Du foin dans la crèche

Depuis quelques jours, la « polémique » autour de la crèche de Noël fait du foin à Neuchâtel (si vous me passez l’expression).

Il est intéressant de noter que ces questions provoquent des réactions très virulentes. Les signes extérieurs du christianisme sont défendus par des personnes éloignées de l’Église, ou même qui se déclarent athées. Les pasteurs interrogés, qu’ils soient membres de l’Église réformée ou de l’Église évangélique ont pour leur part élevé le débat.

Ces événements m’inspirent quelques réflexions.

Notre société a un sérieux problème avec la dimension symbolique au sens large. Un monde « utilitariste » peine à investir les objets, les lieux, les actes symboliques. Et qu’on le veuille ou non, l’humain a aussi besoin de cette dimension pour s’épanouir personnellement et en collectivité. Au fond, ces sculptures en bois de la forêt de Chaumont, taillées à la tronçonneuse et offertes au Conseil fédéral lors d’une journée de travail dans la région, auraient pu réunir toute la population du canton. On aurait pu investir de sens cette femme, cet homme et cet enfant – la force de la famille et la fragilité humaine, le lien avec la nature et les racines, les questions de migration (où se sent-on chez soi), etc . On aurait pu étendre le symbole de l’incarnation du divin dans le monde humain pour rassembler plutôt que pour diviser: les soi-disant chrétiens contre les autres.

Le christianisme est majoritaire en Europe depuis que l’empereur Constantin l’a décrété religion d’État au Ve siècle. Nous nous sommes installés dans cet esprit majoritaire et dominateur. A l’époque de la Réforme, les protestants ont dû batailler pour leur foi mais depuis lors, être chrétien – protestant ou catholique – relève de la normalité. Et nous nous sommes installés dans cette normalité, un sommeil pas le moins du monde dérangé par une indifférence grandissante. Nous voici peut-être à un moment charnière qui est à prendre comme une chance pour la foi chrétienne. Car si nous voulons continuer de vivre de l’Évangile et le proclamer, il faudra que le christianisme retrouve un de ses attributs de base qu’elle a perdu depuis longtemps : il lui faudra redevenir subversif! Soyons attentifs à ce que ce qui reste de la foi chrétienne ne soit pas que culturel. Et surtout que des statues en bois ne nous donnent pas l’illusion d’une foi largement partagée, les statues ne seront jamais le signe d’une foi vivante.

5 réflexions au sujet de “Du foin dans la crèche”

  1. D’accord avec ton point de vue sur les « grands défenseurs » de cette crèche qui sont allés très loin dans une argumentation faite de tout et n’importe quoi. On croyait davantage y voir une défense de la culture chrétienne de la République contre une invasion barbare qu’une vraie confession de foi…

  2. Bonjour Diane,
    Merci de votre billet. Un détail : Constantin n’a pas fait du christianisme une religion d’État, mais il en a autorisé la pratique (plus précisément : il en a fait une « religio licita » !), ce qui était déjà une belle avancée. C’est plus tard, sous Théodose, que le christianisme est devenu une religion officielle. Cordialement.

  3. Bien sûr qu’une statue n’est pas le signe d’une foi vivante, et peut même parfois jouer un rôle de porte-bonheur. Néanmoins, les réactions divers liées au retrait de cette crèche, me laisse penser que ce symbole de Noël garde une notoriété et un sens pour la majorité de nos concitoyens. Supprimer ce symbole, serait également supprimer un rappel de ce qu’est Noël. Au fond, qui s’en souvient vraiment ? On parle cette année partout de la magie de Noël. Je ne vois pas de magie dans le fait de Dieu fait homme, mais un amour incommensurable, amour que Dieu veut partager avec tous les hommes.

  4. Tout à fait d’accord avec toi, Raymond, en ce qui concerne l’amour plutôt que la magie. Je crains, pour ma part, que la notoriété passe avant le sens pour beaucoup de nos concitoyens… et peut-être parfois pour nous aussi. Nous avons toujours à nous laisser ré-évangéliser.

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