Prédication du matin de Noël, le 25 décembre 2025 à Colombier.
Lectures bibliques: Esaïe 9,1.5-6 et Jean 1,1-18
Musique Noël Jazz par Pascale Ecklin, violon et Evan Métral, piano.
C’est Noël!
Voilà, nous y sommes. C’est Noël ! Tous les petits paquets du calendrier ont révélé leurs trésors. Et, normalement, les cadeaux principaux ont dû s’échanger hier soir autour du sapin.
Il y a des traditions auxquelles ont ne coupe pas. Et celles autour de Noël en font partie. Les grandes traditions d’une part, et aussi la manière dont elles s’inscrivent chez nous, dans nos habitudes familiales… toute la famille réunie le 24 chez l’arrière-grand-mère… ou réunions avec les cousins dans le chalet de vacances… dinde aux marrons au menu… ou fondue chinoise… Pour la majorité de la population suisse, Noël est et reste la fête familiale par excellence. Que l’on soit issus d’une tradition chrétienne ou non. Et ce n’est pas ce jour-là que l’on innove.
Noël et ses traditions
La nature humaine aime la tradition. Elle nous permet de nous inscrire dans une histoire qui nous précède et qui nous survivra. Ce qui est loin d’être anodin dans une société qui attend de chaque individu une réussite dans son épanouissement personnel. Les traditions nous rassurent et nous ancrent dans une réalité plus large que nous-mêmes.
Les traditions nous sont chères et stimulent les sens. Noël réunit tous les ingrédients pour être de formidables madeleines de Proust. A Noël, nous aimons retrouver l’ambiance des rues illuminées, les senteurs des épices du vin chaud et les saveurs des petits biscuits. En reprenant les recettes de nos grand-mères, nous retrouvons les goûts de notre enfance et ne manquons pas de les transmettre à notre tour à nos enfants et nos petits-enfants. A Noël, on aime se souvenir. Autour de Noël, on tient à créer des souvenirs !
Les traditions sont précieuses et nous aimons les faire vivre. Chaque année, nous ressortons nos décorations et nos lumières pour égayer nos intérieurs. Même si l’on apprécie de renouveler notre décoration, on retrouve tout de même avec plaisir telle figurine bricolée par les enfants et on l’accroche au sapin. Finalement, la déco de 2025 ressemble passablement à celle de l’an dernier… et à celle des années précédentes.
Mais cela nous convient ainsi. Parce qu’à Noël, au fond on aime bien qu’il n’y ait pas trop de changements. Noël, c’est Noël lorsque retentissent les mêmes mélodies et lorsque nous entendons une fois encore les récits dont chaque mot nous est familier.
On bouscule (un peu) les habitudes
Mais cette année, nous bousculons les habitudes !
Dans le temple, point de sapin. Pourtant nous aimions admirer ce bel arbre qui se dressait ici. Il y a quelques années, en passant des bougies à la guirlande électrique, cela en avait déjà froissé certains. Et cette année, pas de sapin ! A l’heure où nos forêts souffrent du réchauffement climatique, il convient de se poser la question de l’opportunité de couper de beaux arbres en santé pour le temps d’une célébration. Nous avons donc choisi de décorer le temple pour Noël autrement. Mais cette décision n’a pas été simple à prendre. La question est délicate.
Nos oreilles, elles aussi sont un peu perturbées. Pascale et Evan nous proposent certes des airs traditionnels de Noël pour le culte de ce matin, mais en les réinterprétant selon les codes de la musique Jazz. Et Olivier et Philippe nous bousculent également en ne faisant pas lecture des récits traditionnels de Noël.
Pas de paille, pas de crèche, pas de bergers ni d’anges. Peut-on vraiment célébrer un culte de Noël sans lire le récit de la nativité dans l’évangile de Luc ? Au moins, nous chantons les cantiques traditionnels. Ouf ! Mais est-ce que nous chanterons Voici Noël ?!? Suspens…
Oui les traditions sont importantes. Mais osons-nous déroger à certaines ? Ou, plutôt qu’y déroger, les investir autrement ?
Si certaines traditions sont fondamentales pour nous inscrire dans un monde plus large que notre petite réalité étriquée, et précieuses à transmettre. Il convient aussi de reconnaître que certaines traditions nous enferment ou qu’à force, elles s’épuisent et se vident de leur sens. On continue à faire certaines choses parce qu’on a toujours fait ainsi mais sait-on encore pourquoi on le fait ? Pour retrouver du sens, il est parfois nécessaire de bouleverser un peu les choses, de nous laisser bousculer dans nos idées et nos habitudes. Pour nous obliger à nous demander ce à quoi nous tenons véritablement, ce qui relève du fondement et ce qui peut-être n’est que du vernis.
Parole – Vie -Lumière
Que pouvons-nous changer de Noël ? A quoi pouvons-nous renoncer pour que Noël soit toujours Noël ? Pour parler de la venue de Dieu dans le monde, de son incarnation dans la personne de Jésus Christ, les évangélistes Luc et Matthieu ont choisi la narration. Raconter une histoire avec une pointe de merveilleux, voilà qui est parlant. Jean, lui, a opté pour un autre art : la philosophie et la poésie. Il évoque la venue de Jésus au travers de trois principes : la Parole, la Vie, la Lumière.
Parole, vie et lumière : c’est Noël !
Au commencement et au fondement de tout, il y a la parole. Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut. Un parole qui crée. Mais les paroles s’envolent et on craint de ne pas pouvoir les retenir, les saisir et les transmettre. Jésus lui-même n’a jamais écrit. Il a parlé, il a enseigné, il a guéri, il a raconté, il a exhorté. Et il n’a pas appelé son enseignement Écriture mais Évangile. Littéralement Bonne Nouvelle. Ainsi, lorsque nous ouvrons la Bible, nous devrions nous souvenir que ces textes ne sont pas la parole de Dieu.
Nous croyons que la Bible contient la parole de Dieu, que ses textes nous permettent de la connaître et de l’entendre. Mais en tant que tels, ils ne sont pas la parole de Dieu. La parole n’est pas un texte. La parole est une personne. Le Christ. Et le Christ vivant.
Parole… Vie…
Jésus est bien plus qu’une petite poupée couchée sur un lit de paille que l’on range après les fêtes pour le ressortir l’an prochain. Si nos traditions ne permettent pas d’ouvrir à plus de sens, alors il faut s’interroger. C’est qu’elles ne touchent pas à notre vie. Alors que Noël touche à l’essentiel.
Il est intéressant de constater que la société laïque n’a pas éliminé Noël. Au contraire, le monde contemporain se l’est largement réapproprié. On peut évidemment porter un certain regard critique sur les excès de consumérisme que les fêtes de fin d’année provoquent. Et sans se muer en M et Mme Scroodge, grogner que le monde ne sait plus ce qu’il célèbre. Ce que je constate, c’est que quelque chose de l’essentiel de Noël a pleinement investi le monde laïque.
Je veux parler de l’esprit de générosité. A Noël, les gens ont plus qu’à d’autres moments de l’année, le souci des autres. Des repas sont organisés pour les personnes précarisées, une soirée de boîte pour les gens au chômage, on invite la voisine pour qu’elle ne se retrouve pas seule ce jour-là. A Noël les gens sont généreux. Il n’y a qu’à voir le résultat record de plus de 5 millions récoltés par l’opération Cœur à cœur.
Noël a pris place dans la vie. Une vie qui n’est pas toujours rose, qui est parfois sombre. Et qui a immensément besoin de lumière.
Parole… Vie… Lumière
La puissance de la lumière, c’est que même lorsqu’elle n’est pas forte, elle parvient à percer les ténèbres. Dès lors que l’obscurité n’est plus totale, dès lors qu’une source de lumière la traverse, la nuit n’est plus tout à fait nuit. On commence à distinguer des formes, nos yeux sont capables de discerner des silhouettes. La lumière a la puissance de terrasser l’obscurité. Et dans un même mouvement de vaincre nos peurs.
Le monde actuel est traversé de noirceur. Et l’on a vite fait d’être happé par l’obscurité. Noël, c’est croire à la lumière. C’est la chercher. C’est tendre vers les moindre sources de celle-ci.
Noël, c’est aussi nous-mêmes allumer des lumières. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Si nous qui avons reçu la Bonne nouvelle, nous ne portons pas l’espérance dans le monde… si nous, nous ne refusons pas de sombrer dans la désespérance… si nous, nous ne témoignons pas de la lumière, alors qui le fera ? Il dépend de nous que les ténèbres deviennent moins profondes.
Un Noël plein de sens
Qu’en dites-vous ? Peut-on évoquer Noël au travers de ces trois termes : Parole, Vie et Lumière ? Peut-être célébrer Noël avec des illuminations et une crèche mais sans sapin ? Peut-on laisser raisonner Noël avec des notes de Jazz ? Bousculer un peu les habitudes n’est-ce pas une bonne manière de nous obliger à redéfinir l’essentiel ?
Pour que Noël soit vraiment Noël, il ne s’agit pas d’accumuler les signes et les symboles. Noël a le sens que nous, nous lui en donnons. De même, les traditions sont précieuses si lorsque nous les transmettons, nous parvenons à exprimer la signification qu’elles ont pour nous. Sinon, les générations à venir feront les mêmes gestes sans plus savoir pourquoi, puis finirons par ne plus les faire.
Investissez Noël de sens ! Avec ces trois mots clé à l’esprit : Parole, Vie et Lumière.
Pour que toujours Jésus s’incarne dans notre monde.
Et que sa parole s’inscrive dans nos vies.
Afin qu’à notre tour, nous rayonnions de sa lumière.
Amen