Distinguer la croix et la faire découvrir

Prédication du culte du dimanche 17 janvier au temple de Rochefort. Audio.

Lectures bibliques : Marc 1,14-20 et 1 Corinthiens 1,18-25

Changements de début d’année

Nous voici au seuil d’une nouvelle année. Le mois de janvier est toujours celui des bonnes résolutions. L’occasion de jeter un regard en arrière sur les mois écoulés, puis de se projeter sur ceux qui se présentent à nous. On se tient un temps en équilibre sur l’arrête entre ces deux années, histoire de faire le point. On rend grâce pour les beautés de l’an dernier, on se réjouit des promesses à venir. On se promet de ne pas refaire les mêmes erreurs, de ne pas tomber dans les mêmes pièges que la vie ne manquera pas de nous tendre à nouveau. On s’encourage à prêter attention à ces petits kilos qui, l’air de rien, s’accumulent sur nos hanches tout en reconnaissant le réconfort que nous ont apportées toutes les douceurs de Noël.

L’année 2020 a été particulière. Elle nous a remué dans nos habitudes, dans nos assurances, dans notre confiance et peut-être aussi dans notre foi. Elle a remis en question l’ordre des priorités personnelles et familiales, mais aussi professionnelles, économiques et sociales. Le monde a été secoué. Nous avions espéré, peut-être par enthousiasme ou excès d’espoir, peut-être aussi un peu par déni, qu’en 2021 tout cela serait derrière nous. Mais la réalité ne sera pas aussi simple. Il ne suffira pas balayer 2020 avec les cotillons du 31 pour nous en débarrasser.

Les résolutions de début d’année sont souvent pleines de bonnes intentions, elles sont espoir de changement. Mais tout à fait honnêtement, il faut nous l’avouer, au fond nous n’aimons pas le changement.

La pandémie actuelle génère des peurs, met à mal notre système de santé et provoque des quantités de problèmes pour les entreprises. Mais au-delà de cela, ce qui nous dérange vraiment au quotidien, c’est qu’elle vient perturber nos habitudes. On ne peut plus vivre comme avant. On est contraints au changement.

On n’aime pas changer!

Nous n’aimons pas changer. Changer de travail. Changer de logement. Changer de village. Changer de marque de biscottes. Nous n’aimons quitter ce que l’on connaît. On sait ce qu’on perd mais on ne sait pas si on va gagner quelque chose. Alors on préfère souvent ne pas prendre le risque. Nous n’aimons pas changer parce que nous avons peur de perdre. Et le confort actuel, même avec ses problèmes, est plus rassurant que l’inconnu.

Pourtant, les changements qui se présentent à nous sont sans doute moins absolus que celui dont nous parle le texte du jour. Ces hommes, installés dans leur routine de pêcheurs, qui prennent la décision immédiate et sans concession de laisser là leur vie pour embrasser celle de disciple à la suite de Jésus.

Moi qui ai déjà du mal à me sentir chez moi quand je déplace les meubles de mon salon ! Tout laisser derrière moi ? Sans avoir aucune idée de la vie qui m’attend ?!?…

Alors comment prêcher cet Évangile qui nous déplace, cette Bonne Nouvelle qui requiert une réelle conversion ? Comment vous l’annoncer à vous si je peine déjà tant à l’accueillir moi-même ?

C’est le moment!

Il y a dans le texte un petit mot, l’air de rien, qui change tout. Au verset 15. C’est le mot kairos. Un terme grec que nous avons tant de peine à rendre en français. Le kairos, c’est le moment opportun, c’est l’instant idéal. C’est Le moment. Quand les planètes s’alignent et que tout concourt.

Voici. Le temps est venu, nous dit Marc. Le moment propice est advenu. Le Règne de Dieu s’est approché. Et ceci, c’est la Bonne Nouvelle. C’est un moment heureux.

Et parce que ce moment est heureux, les exigences de changement qui en découlent ne sont pas vécues comme des contraintes ou des menaces, mais elles sont vécues avec bonheur. Les disciples adoptent une vie nouvelle avec joie. Sans peur de la perte de ce qu’ils laissent. Il y a une forme d’urgence, car l’instant est à saisir.
Allez ! C’est le moment. C’est maintenant et je veux en être !

Rares sont les occasions de changement qui sont vécues comme un kairos à saisir.

Nouvelle identité visuelle

Le 1er janvier, un changement important a eu lieu dans notre Église. L’EREN a adopté une nouvelle identité visuelle. Fini l’oiseau qui nous était si familier, finies les couleurs orange et bleu clair. Fini aussi l’association entre notre paroisse et cette petite barque qui vogue. Il nous faut passer à autre chose. Et comme tout changement, celui-ci nous contrarie. Parce que le nouveau laisse toujours entendre que ce qui jusque là nous convenait si bien n’est pas assez ceci ou trop cela. On ne peut s’empêcher de vivre l’arrivée du nouveau comme une attaque contre l’ancien.

Pourtant la vie laborieuse de pêcheur sur un lac de Galilée n’est pas dépréciée. Les disciples sont juste appelés à autre chose.

Alors ? Ce nouveau logo, comment est-il ? Si vous ne l’avez pas encore aperçu sur une affiche dans nos villages, le voici.

À première vue, il est tout simple. C’est juste écrit EREN. Pas de quoi en faire toute une histoire. N’est-ce pas ? Et pourtant, je l’ai beaucoup observé. Et plus je le regarde, plus il me parle.

Regardez attentivement le R. Il est anguleux alors que les autres lettres sont arrondies. Voyez maintenant la seconde forme anguleuse. En creux, entre ces deux équerres se dessine une croix.

Croix logo EREN

La croix que l’on trouve traditionnellement dans tous les logos d’Église s’insinue ici de manière subtile. Elle est présente mais ne s’impose pas à nous.

Comme l’apôtre Paul nous le fait si bien comprendre en mettant en avant tout ce qu’il y a de paradoxal dans la croix. Une folie pour certains. Le signe de la sagesse divine pour d’autres. En protestantisme, la croix n’est pas un objet ; la croix est un événement. Il est le kairos qui change toute perspective. Qui modifie l’ordre des choses : une mort infamante devient la plus grande des victoires.

Voilà cette croix qui est là. Présente pour celles et ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir… Elle demande à chacune et chacun de faire l’effort de la percevoir. Et comme souvent dans les jeux optiques, une fois qu’on l’a perçue, on ne peut plus ne pas la voir. On ne l’oublie pas.

Mais on se rappelle à chaque fois que sa présence n’est pas gagnée. Qu’elle n’est pas acquise une fois pour toutes et qu’elle demande qu’encore et encore nous l’Église, nous travaillions à la rendre visible aux habitants et habitantes du canton de Neuchâtel.

Ces deux équerres, ce sont aussi des flèches. En mouvement l’une vers l’autre. L’une désigne le haut, l’autre le bas. Elles me font penser aux deux célèbres mains tendues du Créateur de d’Adam, peintes par Michel-Ange sur le plafond de la chapelle Sixtine.

Elles sont dynamiques, en tension l’une vers l’autre. Notre œil remplit les quelques millimètres de vide qui les séparent pour qu’enfin elles se touchent.

Du haut vient cette flèche dorée, couleur du soleil. D’en-bas vient celle du monde. De la même couleur que les autres lettres. L’Église a les pieds sur terre, mais porte le regard vers le haut et pointe vers le Créateur.

On discerne un élargissement des lignes verticales dans les lettres qui rappellent nos piliers d’église. L’Église est dans le monde, mais elle tend vers cette autre réalité.

Plus qu’un changement de logo

Voici quelques éléments que je lis dans ce nouveau logo. Le changement va aussi avec le souci d’être présente en tant qu’Église de manière plus claire dans la population neuchâteloise. Jusqu’à présent, une personne qui déménageait d’Auvernier à Corcelles ou d’Hauterive à St-Blaise ne pouvait identifier avec assurance que la paroisse qui prenait contact avec elle appartenait à la même Église réformée. Désormais, chacune de nos paroisses, et aussi tous nos services d’aumônerie dans le canton se présenteront sous les mêmes couleurs. Avec la déclinaison locale inscrite au-dessous.

Était-ce le moment de changer ? Peut-être. Peut-être pas. Au fond ce n’est jamais vraiment le moment. Nous n’y sommes jamais vraiment prêts.

Il y a tant d’éléments sur lesquels je n’ai pas prise. Mais j’accueille le changement. Je saisis l’événement pour me laisser questionner. Et pour recevoir le changement comme un moment heureux. C’est maintenant. C’est mon Église et j’ai envie d’en être !

Car plus qu’un logo, ce changement me rappelle que l’Église doit demeurer en constante évolution. Le monde change, elle ne peut demeurer statique. Sinon elle ne peut accomplir sa mission d’annoncer l’Évangile à ses contemporains, dans le langage d’aujourd’hui.

Ce nouveau logo m’interpelle: comment l’EREN va-t-elle parvenir, dans les temps à venir, à faire découvrir cette croix à la population neuchâteloise? Autrement dit, comment notre Eglise va-t-elle faire découvrir aux membres de nos villages et de nos villes combien l’Evangile de Jésus-Christ est fondamental et combien la vie est plus riche quand on la vit avec Dieu ?

En dépit des temps difficiles, je crois à la mission de l’EREN. Et je suis heureuse d’œuvrer dans l’Église. J’espère que vous aussi. Car l’Église ce n’est pas juste les pasteurs et quelques personnes qui décident, l’Église c’est une communauté. Et chacun.e d’entre nous en fait partie. Chacun.e d’entre vous a un rôle dans l’Église. Celui de témoigner de la foi en Jésus-Christ en paroles et en actes.

Parmi les disciples appelés, il y avait ceux qui lançaient les filets et ceux qui les reprisaient consciencieusement. Chaque tâche est importante. Si les filets ont des trous, l’agilité de ceux qui les lancent ne suffit pas à ramener du poisson.

La patience, la persévérance, l’apport de chacun et de chacune est important.
Allez, c’est le moment !
Vous êtes l’Église !
Nous sommes l’EREN !

Amen

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