Prédication du dimanche 14 avril 2019 au temple d’Auvernier. Dimanche des Rameaux, avec le baptême du très souriant petit Solal.
La famille m’avait suggéré le thème des oiseaux pour ce culte!
Textes bibliques: Matthieu 6,25-33 et Jérémie 8,4-7
Savez-vous distinguer un moineau mâle d’un moineau femelle ?
Eh bien figurez-vous que ce n’est en réalité pas si compliqué, mais que si vous m’aviez posé la question il y a quelques années de cela, je vous aurais sans doute répondu que je peinais déjà à distinguer un moineau d’une mésange…
L’occasion de m’intéresser d’un peu plus près à ces volatiles, qui jusque là n’avaient jamais attiré mon attention, m’a été donnée par mon fils. Alors haut comme trois pommes, il posait sans cesse des questions sur les oiseaux. Nous découvrant incapables d’y répondre, mon mari et moi avons fait l’acquisition d’un guide ornithologique qui, depuis lors, est toujours à portée de main.
Il est peut-être un peu convenu de dire – surtout un dimanche de baptême – que les parents ne font pas qu’apprendre à leurs enfants, mais qu’ils apprennent aussi de leurs enfants. Toujours est-il qu’à n’en pas douter, les plus jeunes ont la capacité de nous éveiller à des mondes inconnus. Je dois reconnaître que je suis bien heureuse que son intérêt se soit porté sur les animaux plutôt que sur le football. Mais peut-être que si cela avait été le cas, je tiendrais aujourd’hui un tout autre discours.
Regardez les oiseaux du ciel!
Regardez les oiseaux du ciel!
Voilà une exhortation biblique à laquelle il ne m’est pas très pénible de me soumettre. Et j’ai la chance, de la fenêtre de mon bureau, de laisser mon regard se perdre dans le magnifique jardin de la cure qui attire toutes sortes d’espèces : mésanges, verdiers, pinsons, rouge-queue pour ne citer que ceux-ci.
Quoi de mieux pour méditer ce texte de l’évangile de Matthieu qui résonne si fortement dans ces jours printaniers ?
Observez.
Regardez les oiseaux du ciel.
Ils ne sèment ni ne moissonnent.
Ils n’amassent pas de récoltes dans des greniers.
Dieu les nourrit !
Il semble y avoir une telle simplicité, une telle désinvolture dans le mode de vie de ces volatiles.
Et pourtant, les oiseaux sont loin d’être inactifs. Au contraire, ils sont sans cesse en quête de nourriture. Volant ici puis là, picorant avant de repartir. Toujours prêts à déployer leurs ailes pour décoller dans les airs à l’approche d’un chat. Et à cette saison, ils œuvrent avec soin pour la confection de leur nid.
L’exemple que nous offrent les oiseaux du ciel n’est pas celui de l’insouciance ou de la désinvolture. Au contraire, ils ne cessent de travailler. Mais à la différence des êtres humains que nous sommes, ils accomplissent leur labeur de chaque jour sans s’inquiéter de celui du lendemain.
En psychologie du développement, on dit qu’une des caractéristiques de l’adulte, c’est sa capacité à anticiper. L’enfant, lui, en est incapable.
En ce sens là, l’oiseau est un enfant.
Ou l’enfant est un oiseau…
Corollaire de la capacité à anticiper : le souci.
Avoir souci de l’autre, de bien accomplir son travail, de rendre heureux ceux qui nous sont chers, de planifier et d’organiser ce qui doit l’être : autant d’aspects positifs des adultes que nous sommes.
Mais quand avoir souci de… devient se faire du souci… au point de transformer cette capacité à anticiper en une formidable usine à inquiétude, voilà que l’équilibre de vie a du plomb dans l’aile…
Ne vous inquiétez pas !
Ne vous inquiétez pas !
Cette injonction revient comme une rengaine dans l’évangile de Matthieu. Ne vous inquiétez pas ! N’ayez pas peur !
Du tout début à la fin : dans la bouche de l’ange qui s’adresse à Joseph au premier chapitre (Mt 1,20) puis aux femmes qui trouvent le tombeau vide (Mt 28,5). Dans le récit de la tempête apaisée (Mt 14,27) ou celui de la transfiguration (Mt 17,7).
N’ayez pas peur ! Ne vous inquiétez pas !
Qui d’entre vous parvient à prolonger un peu la durée de sa vie par le souci qu’il se fait ?
Si l’inquiétude parvenait à résoudre les problèmes, nous le saurions. Au contraire, elle est à l’origine de bien des maux et ronge les forces vives plus qu’elle ne nourrit la vie.
Mais suffit-il d’ordonner : ne vous inquiétez pas ! pour que l’inquiétude nous quitte ? Ou au contraire, cela risque-t-il d’ajouter au souci la culpabilité de se savoir inquiet ?
De l’inquiétude, pour s’en débarrasser, il faut en être délivré, libéré.
Vous connaissez peut-être le philosophe et écrivain français Fabrice Midal, enseignant de méditation et auteur d’un livre qui a eu beaucoup de succès : Foutez-vous la paix et commencez à vivre.
Dans ce livre, il y a un passage intéressant sur l’idée d’être calme. Midal s’oppose à l’idée que pour méditer il faudrait être zen, calme, dans le sens de détaché de tout. Au contraire, pour lui la méditation permet d’être complètement connecté à ses émotions et sa spiritualité. Le terme calme, dit-il, vient de l’occitan calma qui est un terme maritime pour désigner la mer quand il n’y a pas de vent. Quand la mer est calme, il ne se passe rien et il est impossible d’avancer.
Chercher ce calme là n’a pas de sens.
Évidemment que j’aime et apprécie les moments où je me sens en harmonie avec l’ordre du monde, pendant lesquels le temps semble enfin suspendu. Bien sûr que je me réjouis de ce sentiment de plénitude et d’apaisement, et je me réjouis d’autant plus qu’il se prolonge. Mais je sais aussi qu’un « calme-toi » ne calme jamais quiconque. Ce sentiment dont je veux parler n’est pas une injonction ; il nous arrive de surcroît, comme un don. Ce sentiment, je l’appelle paix.
Fabrice Midal, Foutez-vous la paix… p.54
Plutôt qu’au calme, c’est à la paix qu’il nous faut aspirer !
Une paix que nous ne pouvons gagner par nous-mêmes mais qui nous est donnée de surcroît pour reprendre à la fois les mots de Midal et du texte de Matthieu : tout le reste vous sera donné de surcroît.
Tout le reste vous sera donné de surcroît
Cherchez d’abord, en premier lieu, le Royaume de Dieu et sa justice, tout le reste vous sera donné de surcroît.
Bien des choses, dans la vie, dépendent des priorités que nous posons. Et de l’importance première ou secondaire que nous attribuons à certains projets, à certains combats, à certains défis.
L’Évangile nous exhorte à placer tout en haut de nos priorités la recherche du Royaume de Dieu, du monde tel que Dieu l’espère. La justice de Dieu, ce que nous pourrions aussi appeler notre ajustement à Dieu.
Il est question de cela : rechercher sans cesse à s’ajuster, à ajuster sa vie à ce que nous comprenons que Dieu veut de nous, espère en nous, cherche avec et pour nous.
Il n’est pas interdit de se tromper.
Pour reprendre le prophète Jérémie, ce n’est pas l’erreur le problème, c’est celui de s’obstiner à suivre la fausse route et l’incapacité à écouter ce à quoi pourtant le Seigneur nous appelle.
Les oiseaux eux, ne se laissent pas envahir par l’inquiétude et quand vient le moment de la migration, ils se mettent en route.
Cette quête de l’ajustement nous interdit à la fois de nous abandonner dans un calme qui ne permet pas d’avancer et de nous enfermer dans l’inquiétude.
Pour entrer dans ce dont Dieu nous fait la grâce : la confiance !
Amen
Et en bonus deux sites indispensables pour tout savoir sur les moineaux et les autres oiseaux : vogelwarte et oiseaux.net
Merci beaucoup j’ai juste dévorer cette lecture et j’en suis edifier