Qui cherche trouve… ou pas

Prédication du dimanche de Pâques, 20 avril 2025 au temple de Rochefort.
Culte musical avec Emma Aubry Durville, violon et Evan Métral, piano.
Lectures bibliques : 1 Corinthiens 15,12-14 et Luc 24,1-12.

Qui cherche trouve… ou pas

À Pâques, il y a une tradition qui ne se perd pas. C’est celle de la chasse aux œufs. Organisée à grande échelle dans les forêts ou réservée au cercle familial dans le jardin. Œufs teints, œufs en chocolat ou friandises, les enfants se mettent en chasse avec à leurs trousses les adultes qui ne peuvent s’empêcher de les orienter. Là c’est froid ! Ah, tu chauffes…

En règle générale, si on cherche bien, on trouve. Et si on ne cherche pas, on ne risque pas de trouver.C’est la logique même. Sauf que… Sauf que le jour de Pâques, la logique est dépassée.

Ce matin-là, les femmes trouvent quand elles ne cherchent pas. Puis quand elles se mettent à chercher, elles ne trouvent plus rien. Elles ne cherchent pas avant de trouver. Mais trouvent avant de chercher. C’est à ne plus rien y comprendre…

En effet, l’évangéliste Luc écrit au début de son récit: Les femmes trouvèrent la pierre roulée. Étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Mais jusque là, elles n’ont encore rien cherché! Puis, les deux hommes aux vêtements éblouissants leur disent: Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts? Il n’est pas ici. C’est froid! Vide. Rien à trouver ici. Ou en tout cas, rien à chercher. Tout cela les laisse sans voix. Elles ne demandent même pas: mais alors où est-il? Non. Elles repartent. Et vont rapporter tout cela, dit le texte, aux disciples. Tout cela: mais qu’est-ce donc que tout cela…? Qu’il y a-t-il à raconter?

Elles ont trouvé une pierre roulée, elles n’ont pas trouvé le corps de Jésus. Elles ne doivent pas chercher le vivant parmi les morts. En toute logique, aux yeux des disciples, ces paroles semblent du délire, des absurdités ou, selon certaines traductions, des sornettes ou des balivernes. Pierre va voir de ses propres yeux. Mais ce n’est pas en voyant un tas de bandelettes qu’il comprend davantage. C’est du délire!

Oui, cette histoire c’est du délire. On n’y comprend rien et ce n’est pas parce que l’on raconte cette histoire chaque année qu’elle devient plus claire. Je vous l’avoue, j’ai eu beau faire des études de théologie, tout cela demeure tout aussi incompréhensible pour moi.

Ne peut-on pas se contenter du Jésus vivant?

La tentation est grande d’évacuer la question. Toutes ces grandes question beaucoup trop philosophiques, voire métaphysiques, ce n’est pas pour nous. La tentation est grande de trouver une échappatoire, par exemple dans un: c’est symbolique…

Ou alors de se dire que l’on peut laisser un peu cette question de résurrection de côté pour garder surtout de Jésus la figure de maître spirituel. Finalement, par ses paroles, ses gestes et son sens de la justice, l’apport de Jésus dans le monde, dans nos vies et pour l’humanité en général a été considérable. Avons-nous vraiment besoin de croire qu’il est ressuscité? Qu’il est sorti de son tombeau?Qu’il est revenu à la vie?

De plus, cette histoire de résurrection nourrit les arguments des détracteurs du christianisme qui depuis des siècles se moquent de notre crédulité. Contentons-nous du Jésus vivant! Rassembleur, proclamateur du Royaume de Dieu, annonciateur de l’amour du Père pour chacun·e, défenseur de l’exclu·e, guérisseur des corps et des cœurs. On a déjà bien assez à prêcher avec lui. Et notre existence humaine ne saurait déjà être assez longue pour mettre en pratique son message.

Vide est votre foi

Mais voilà…
Voilà qu’on est ennuyé·es avec cette petite phrase lâchée par l’apôtre Paul lorsqu’il écrit aux croyants de Corinthe qui pensaient un peu comme nous et doutaient pas mal de toutes ces histoires de résurrection. Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide. Vide aussi est votre foi.

Zut! On pensait avoir trouvé une bonne astuce. On avait un peu guigné par la fenêtre pour voir où les œufs étaient cachés et tomber, oh par hasard !, sur l’appétissant œuf en nougat.

Non, chers amis. Nous ne nous en sortirons pas en disant: on n’y comprend rien à la résurrection, mais c’est pas si important. Oui, important, ça l’est. Central même dans la foi chrétienne. Paul écrit plus loin: si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre des être humains (1Co 15,19). Rien que cela!…

Nous pouvons déjà nous rassurer un peu en nous disant que les chrétiens du premier siècle, à Corinthe, n’en avaient pas compris beaucoup plus que nous. Alors confrontons-nous ensemble à cette épineuse question.

Ne cherchons pas à savoir comment

Et pour commencer, n’essayons surtout de pas de comprendre comment. Voilà la meilleure manière de nous perdre. Savoir comment Dieu a pu ressusciter Jésus ne présente vraiment aucun intérêt. Pas plus que de savoir comment le tombeau pouvait être vide ou la lourde pierre roulée sur le côté. D’ailleurs, vous l’avez entendu, jamais le texte ne donne d’explication, jamais les femmes ne demandent, jamais l’évangéliste ne cherche à combler l’interrogation.

L’évangile nous laisse avec le vide. Un vide d’explications, mais une plénitude de paroles qui donnent à penser.
Il n’est pas ici… Il est ressuscité… En français, nous utilisons un terme consacré à cette réalité mystérieuse: ressusciter. Un verbe construit avec le préfixe re-. Comme un re-tour à un état précédent. Une réanimation, un recommencement, un renouvellement, un relèvement. Le verbe grec egeiro est, d’une part un terme courant, et d’autre part ne contient pas cette dimension de re-tour en arrière.

Il n’est pas ici. Egerthé! Il est levé. Il est éveillé. Il est vivant. C’est donc en toute logique qu’il n’est plus coincé dans ce tombeau. Puisqu’il est debout, pourquoi le cherchez-vous allongé au fond d’un trou?

Il est éveillé. Un éveil d’une nouvelle qualité. Qu’il ne nous est pas donné de décrire, de peur de tomber dans les tergiversations métaphysiques qui ne pourraient que nous perdre et nous faire passer à côté de l’essentiel. Alors comment percevoir cet éveil? Paul – encore lui – écrit à plusieurs reprises que Dieu nous a ressuscité. Non pas qu’il nous ressuscitera… un jour… Mais bien que nous sommes déjà ressuscités. Que Dieu nous a éveillés. Si donc vous voulez vous faire une image de la Résurrection, eh bien regardez autour de vous. Voyez ces visages, ces regards, ces sourires. Ce sont ceux d’hommes et de femmes ressuscités!

Déjà ressuscité·es

Ça y est! Certains pensent que je délire!
Tiens… tiens… N’est-ce pas justement ce que l’on a rétorqué aux femmes ce jour-là?

Réfléchissez. Vous connaissez des personnes dont vous vous êtes dit: je ne la reconnais plus! Parce qu’elles se sont tout à coup épanouies, ouvertes. Elles ont peut-être trouvé un nouveau travail qui les valorisent. Elles sont tombées amoureuses. Elles ont trouvé leur place dans un groupe. Elles touchent au bonheur.

Bien sûr, ces personnes sont les mêmes qu’avant. Et vous savez qui elles sont. Concrètement, vous les avez reconnues. Et pourtant, quelque chose en elles est changé. Quelque chose de l’ordre de la qualité de la vie. Quelque chose de l’ordre de l’éveil. Quelque chose de l’ordre… de la résurrection!?!

Les anges de la Résurrection

Comme si cette histoire du matin d’absence du corps de Jésus n’était pas suffisamment délirante, il est encore question d’anges. Mais les anges ne sont peut-être pas ceux que vous pensez. Déconcertées face au vide du tombeau, les femmes se trouvent nez à nez avec deux hommes aux vêtements brillants / éblouissants. Le récit ne parle pas d’anges. Mais juste après, les femmes quittent le tombeau. Rien ne sert de rester à l’endroit où le Christ n’est pas. En bonnes chercheuses qu’elles sont, elles savent que ce serait perdre son temps que de s’entêter à chercher à un endroit où l’on sait qu’il n’y a rien. Elles partent et que font-elles? Elles vont annoncer tout cela aux disciples. Annoncer… en grec apaggellein. Ce sont elles, les anges!

Que cherchons-nous?
Qu’espérons-nous trouver en ce matin de Pâques?
Ou peut-être convient-il de nous poser une autre question: que pouvons-nous annoncer?

Nous ne voulons pas nous contenter d’annoncer un événement passé: la résurrection de Jésus. Pas plus qu’annoncer une résurrection à venir, une fois que la vie nous aura quitté. Mais nous voulons annoncer la résurrection que nous vivons déjà. Car dans la foi, nous sommes déjà ressuscité·es.

Vivons dès à présent cette qualité, cette intensité, cet éveil.
Christ est ressuscité!
Nous sommes ressuscité·es!
Amen

Laisser un commentaire