Prédication du culte patriotique du dimanche 4 août dans les jardins du Château d’Auvernier. Textes bibliques: deux passages de la première épître aux Corinthiens, chapitre 9 versets 24 à 27, puis chapitre 13 versets 4 à 7 et verset 13.
Une devise de gagnant
« Citius, altius, fortius » Plus vite, plus haut, plus fort. Telle est la devise des Jeux olympiques modernes.
Plus vite, plus haut, plus fort. Des attributs de réussite. Un esprit de gagnant. Vaincre et se surpasser. Tel est l’esprit des grandes compétitions sportives. Et comme souvent dans ces contextes, le sport frise le religieux.
On évoque le communion de la foule, la solidarité et l’aspiration à la paix entre les peuples. Sans oublier le culte du héros, les sacrifices consentis et l’ouverture à une dimension «plus grande» que soi. Tout cela était présent l’autre jour dans la prédication… euh pardon… dans le discours d’ouverture du président du CIO Thomas Bach.
Pourtant, ces valeurs de réussite, cet esprit de gagnant (de winner) ne sont pas celles que l’on se fait du message profond de Jésus-Christ. Avec un Dieu qui aime tout le monde et qui accueille chaque personne telle qu’elle est, on n’est pas tout à fait dans ce même esprit compétitif.
Peut-être que l’autre la phrase que l’on attribue à Pierre de Coubertin serait plus adéquate : l’important n’est pas de gagner, c’est le participer.
Mais voilà, il y a ce texte.
Courez de manière à gagner!
Ces paroles ont été écrites par l’apôtre Paul, un homme appartenant à la première génération de chrétiens et qui a consacré sa vie à proclamer la foi en Jésus-Christ en sillonnant le monde méditerranée pour fonder des communautés chrétiennes. On peut même dire qui y a sacrifié sa vie puisqu’il a été persécuté et qu’il est mort pour sa foi.
A la communauté de la ville de Corinthe, qui se situe à quelques jours de marche d’Olympie, Paul écrit en usant d’une métaphore sportive. «Ne savez-vous pas que, sur un stade, tous les concurrents courent pour gagner et, cependant, un seul remporte le prix ? Courez comme lui, de manière à gagner.»
Tous les athlètes courent pour la victoire. Personne ne se présente au départ d’une course en se disant qu’il n’a aucune chance. Toujours il croit, il espère en sa chance, même si celle-ci est infime, d’accomplir ce jour-là un exploit.
Et c’est cet état d’esprit que l’auteur du texte évoque. Ce petit quelque chose que nous avons tous au fond de nous, cette conviction que l’on peut accomplir de grandes choses.
Il n’est pas écrit : gagnez à tous les coups. Mais courez comme celui qui court pour remporter la victoire. Engagez-vous dans l’épreuve, dans la course, dans la vie, avec cette énergie là. Non pas que Dieu cesserait de vous aimer si vous ne gagnez pas, mais de risque d’être disqualifié. C’est-à-dire de se placer dans une posture d’exclusion de la course. Sur le bas-côté, obligé de regarder les autres vivre et de s’enfermer dans le regret et l’aigreur.
De la discipline
Le sport implique une discipline de fer. Pour être performant le jour de la compétition, il convient d’être d’une rigueur absolue à l’entraînement. Tout est optimisé : la nutrition, la récupération, l’accompagnement mental.
Pour que les gestes relèvent de l’automatisme et paraissent faciles le jour J, il faut en avoir passé des heures et des heures à les répéter, à les inscrire dans l’inconscient. Surmonter la douleur et le découragement dans les phases de préparation rend plus fort et apte à accomplir des exploits.
Telle est la discipline à laquelle les sportifs se plient. Telle est celle à laquelle l’apôtre appelle également pour la vie spirituelle. Si pour que des mouvements corporels deviennent naturels il faut les répéter régulièrement, pourquoi n’en serait-il pas de même pour des exercices spirituels?
Pour être à l’aise de prier, il convient déjà de pratiquer la prière. De manière régulière, peut-être maladroitement au début, mais avec assiduité, régularité, constance.
Le rêve de victoire
Après quoi les sportifs courent-ils ? La victoire. Et celle-ci est matériellement symbolisée par la médaille. Tous courent après l’or. Une médaille d’or des JO de Paris vaut quelque chose comme 850 Euros. Savez-vous combien vaut une médaille de bronze ? 3,58 Euros !
Mais peu importe, n’est-ce pas, car aucun athlète ne se soucie de sa valeur marchande. Elle représente bien plus. Le couronnement de tout ce après quoi ils et elles courent. Mais ces récompenses, les couronnes de laurier, les médailles ne comblent pas une vie. Elles sont le témoin d’une réussite. Elle ne sont jamais un accomplissement. Et l’histoire est pleine des tristes destins de celles et ceux qui se sont fourvoyés.
Après quoi courons-nous donc si ce n’est pas pour remporter une médaille ? Quelle est cette victoire vers laquelle il nous faut tendre ? A quoi l’apôtre veut-il faire écho en tissant la métaphore sportive ?
Prenons quelques pas d’élan pour atterrir gracieusement dans le sable de l’épître quelques chapitres plus loin. Nous tombons alors sur ces paroles évoquant l’amour:
L’amour est patient, il est plein de bonté. Il n’est pas envieux. Il ne se vante pas. Il ne s’enfle pas d’orgueil. L’amour n’est pas égoïste. Il ne s’irrite pas. Il n’éprouve pas de rancune. L’amour ne se réjouit pas du mal. Mais il se réjouit de la vérité.
Voilà ce après quoi nous courons. L’amour. Alors peut-être trouverez-vous cela un peu convenu, mais ne disqualifions pas trop vite l’amour.
Il n’est pas question ici de bons sentiments. Il n’est même pas question de sentiment tout court car sous la plume de l’apôtre, l’amour n’est pas une émotion, l’amour est une action.
De même que les gestes du sportifs demandent une discipline de fer, de même l’amour exige une abnégation sans limite. Chaque jour s’y employer. S’exercer à la générosité, à la patience, à l’altruisme. Réprouver consciemment ses élans d’orgueil. Parvenir à se réjouir sincèrement du succès de l’autre.
Comme un sportif de haut niveau, accepter que rien n’est jamais acquis et se lever chaque matin en prenant la décision de s’y employer encore et encore. Toujours regarder devant et viser loin, pour demeurer tendu vers l’espérance et ne pas se laisser abattre par le découragement.
Les circonstances extérieures sont pourtant nombreuses pour nous tirer sur le bord de la piste et nous dire «à quoi bon ?». Dans le monde, ce ne sont pas les fruits de l’amour qui semblent remporter la victoire alors cela a-t-il encore du sens que je m’astreigne à l’entraînement ?
On prend des coups, on perd parfois courage. Mais les athlètes nous apprennent qu’on s’en relève. Et que, parfois, certaines victoires viennent couronner ces efforts et nous rendre plus grands, plus forts.
« Citius, altius, fortius » Pour que l’amour advienne plus vite, plus haut, plus fort. Amen