Les deux toiles réalisées lors de l’atelier créatif animé par Armin Kressmann ont été l’objet de notre méditation lors du culte d’hier.
Voici la toile réalisée par le groupe BARC’Ados: 13 jeunes entre 11 et 14 ans
La toile réalisée par le groupe du samedi, 25 personnes entre 8 et 80 ans
Je décide de les présenter dans ce sens mais elles pourraient aussi être retournées ou présentées horizontalement.
Images et Parole
Face à une œuvre d’art, il y a deux réactions possibles. Soit on cherche à expliquer, à expliciter l’intention de l’auteur. Soit on se tait et on abandonne l’objet à la méditation de celui ou celle qui le reçoit.
Face à un texte, les deux mêmes postures sont possibles. Soit on explique le texte, on en fait l’exégèse, on tente d’expliciter l’intention de l’auteur. Soit on se tait et on laisse méditer.
Voici les deux textes qui ont nourri notre réflexion.
Genèse 1,1-5
1 Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. 2 La terre était sans forme et vide, et l’obscurité couvrait l’océan primitif. Le souffle de Dieu se déplaçait à la surface de l’eau. 3 Alors Dieu dit : « Que la lumière paraisse ! » et la lumière parut. 4 Dieu constata que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l’obscurité. 5 Dieu nomma la lumière jour et l’obscurité nuit. Le soir vint, puis le matin ; ce fut la première journée.
Évangile de Jean 1,1-18
1 Au commencement de toutes choses, la Parole existait déjà ; celui qui est la Parole était avec Dieu, et il était Dieu. 2 Il était donc avec Dieu au commencement. 3 Dieu a fait toutes choses par lui ; rien n’a été fait sans lui ; 4 ce qui a été fait avait la vie en lui. Cette vie était la lumière des hommes. 5 La lumière brille dans l’obscurité, mais l’obscurité ne l’a pas reçue. 6 Dieu envoya son messager, un homme appelé Jean. 7 Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient grâce à lui. 8 Il n’était pas lui-même la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière. 9 Cette lumière était la seule lumière véritable, celle qui vient dans le monde et qui éclaire tous les hommes.
10 Celui qui est la Parole était dans le monde. Dieu a fait le monde par lui, et pourtant le monde ne l’a pas reconnu. 11 Il est venu dans son propre pays, mais les siens ne l’ont pas accueilli. 12 Cependant, certains l’ont reçu et ont cru en lui ; il leur a donné le droit de devenir enfants de Dieu. 13 Ils ne sont pas devenus enfants de Dieu par une naissance naturelle, par une volonté humaine ; c’est Dieu qui leur a donné une nouvelle vie.
14 Celui qui est la Parole est devenu un homme et il a vécu parmi nous, plein de grâce et de vérité. Nous avons vu sa gloire, la gloire que le Fils unique reçoit du Père. 15 Jean lui a rendu témoignage ; il s’est écrié : « C’est de lui que j’ai parlé quand j’ai dit : «Il vient après moi, mais il est plus important que moi, car il existait déjà avant moi.» » 16 Nous avons tous reçu notre part des richesses de sa grâce ; nous avons reçu une bénédiction après l’autre. 17 Dieu nous a donné la loi par Moïse ; mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. 18 Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et demeure auprès du Père, lui seul l’a fait connaître.
Cela fait une semaine que ces deux toiles trônent dans mon bureau. Une semaine que je me demande comment je vais vous en parler, ce que je vais en dire et aussi comment je vais me taire. J’ai décidé de ne pas vous en dire rien, mais pas non plus de chercher à vous les expliquer.
J’ai seulement l’intention de partager avec vous quelques réflexions qu’elles ont provoqué en moi. J’en ai choisi trois. Je les dépose ici, comme des taches de couleur, sans lien apparent, sans qu’elles dessinent quelque chose de construit, de bien ficelé. Je les soumets à votre méditation.
Création et Révélation
La première réflexion tourne autour de deux termes: Création et Révélation. À un moment donné de l’atelier, une question s’est imposée au groupe : le tableau existait-il avant que nous le créions ? Si tel est le cas, nous avions autant œuvré à sa création que participé à sa révélation. (à lire à ce propos le billet de blog de Jean-Marc Leresche)
Il me faut ici vous raconter un peu les étapes qui ont mené au résultat que vous avez sous les yeux. Les participants ont commencé par tracer des traits. Sans dessiner, sans chercher à représenter quelque chose. Juste laisser la main tracer. Puis ces traits ont été reliés. Des zones soulignées, renforcées pour accentuer un motif ou l’autre. Puis des couleurs apposées dans les zones délimitées par les traits apposés sur la toile. C’est ensuite que nous avons pris du recul. Que nous avons observé ce que nous avions participé à créer.
Et c’est à ce moment que se révèlent à nos yeux ce qui était déjà là, mais que nous n’avions pas perçu.
Prenons par exemple la toile réalisée par les jeunes de BARC’Ados. Personne à aucun moment du processus de création n’a cherché à représenter un koala, et pourtant après avoir mis les couleurs et observé la toile, il nous est apparu.
Il était déjà là et nous ne le savions pas!
C’était une évidence.
Etait-ce parce que nous avons été abreuvés ces derniers temps d’images d’Australie en flammes et de koalas blessés? Mystère…
Il était déjà là et je ne le savais pas. C’est exactement la parole de Jacob lorsqu’il se réveille de son rêve : le Seigneur était là et je ne le savais pas.
Alors, les auteurs de ces toiles sont-ils créateurs ou ont-il participé à la révélation de ce qui était déjà là ?
Création – Révélation.
Genèse – Apocalypse (qui signifie littéralement dévoilement, révélation).
Lorsque la forme du koala nous est apparue, nous avons décidé de la souligner avec de l’encre noire. Souligner, cela veut dire figer. Choisir mais aussi enfermer un peu. Renoncer à d’autres images qui auraient pu émerger mais qui ne le feront plus maintenant que ces traits là sont marqués.
Ainsi en est-il.
Lumière et obscurité
La deuxième réflexion se nous autour d’une autre dialectique : la lumière et l’obscurité.
Deux termes que l’on retrouve au cœur des deux lectures bibliques (Genèse 1 et Jean 1)
Lumière séparée de l’obscurité au temps de la création.
Une lumière envoyée dans le monde dans la personne du Christ : en lui était la vie et cette vie donnait la lumière aux êtres humains.
Du tohu bohu originel naît quelque chose de beau. Alors on peut débattre évidemment de la notion de beau. Les goûts et les couleurs…
Mais je peux en tout cas vous dire que les participants des deux ateliers ont tous aimé ce qui a a été produit. Certains auraient même aimé l’emporter chez eux.
L’ont-ils aimé parce que le résultat leur plaît ou parce qu’il évoque le souvenir de ce qui a été vécu ?
Le rapport aux toiles de ceux qui ont participé à leur création est nécessairement différent que celui de ceux et celles qui les découvrent aujourd’hui. Cet œil neuf, je ne pourrai jamais l’avoir. De même, ceux qui n’ont pas participé à l’atelier ne connaîtront jamais de l’intérieur le processus qui a mené à ce résultat. Notre rapport aux choses, au monde, est différent. Que nous l’observions ou que nous y prenions part.
La lumière ne se perçoit pas de la même manière. L’obscurité ne se situe pas au même endroit.
Nous avons mis des couleurs. Et à un moment donné, nous avons cessé. Laissant ainsi des espaces blancs. On aurait pu tout peindre. Mais on a laissé des espaces vierges. Une ouverture pour qu’émerge la lumière. Une place pour le rêve, l’interprétation. Un espace pour autre chose. Pour qu’émerge l’inattendu. De même que le silence fait partie de la musique, il est même inscrit sur une partition, de même la toile vierge fait partie de la peinture.
Mais nous sommes-nous arrêtés de peindre au bon moment ? Aurait-il encore fallu colorer telle surface ou telle autre ? Il n’y a pas de réponse absolue.
Notre critère : ce que Dieu a dit en regardant sa création. Voilà, c’est bon !
Ce n’est pas parfait, mais c’est bon.
Du tohu bohu originel est né quelque chose et nous trouvons ce quelque chose bon.
La lumière brille dans l’obscurité.
Y a-t-il trop de blanc ?
Qui sait: peut-être d’autres viendront-ils après nous…
La communauté
Troisième et dernière réflexion : ces toiles sont des œuvres collectives. Elles ont été produites en communauté. Elles sont le fruit d’une église (ecclesia).
Je dois vous dire que dans les jours qui ont précédé ces ateliers, j’étais traversée par des sentiments divers. Je me réjouissais de vivre quelque chose d’un peu décalé et cela faisait un moment que j’avais envie d’organiser quelque chose avec Armin Kressmann ; mais j’étais aussi habitée d’un certain nombre d’inquiétudes. Qu’allions-nous vraiment réaliser ? Je n’en n’avais aucune idée. Les participants allaient-ils entrer dans la démarche ? Et des participants, y en aurait-il ?!?
On remet à Dieu et on fait confiance.
Puis on se retrouve en groupe autour d’une toile blanche. Et je peux vous dire que quand elle est blanche, elle semble immense !
Personne n’a jamais vu Dieu : la toile est vierge.
Qu’allons-nous en faire ?
Qui est ce nous ? Des personnes qui ne se connaissent pas pour la plupart. Entre 8 et 80 ans. Aurons-nous les mêmes aspirations ? Arriverons-nous à faire une place aux autres ? Y compris à ceux qui n’ont pas beaucoup de talent artistique ? Ou pire encore, à ceux qui en ont tellement plus que moi ?
Et puis se sont vécus toutes les petites et les grandes choses qui se vivent dans une communauté. On s’est apprivoisé. On a négocié : certains voulaient de l’orange dans la palette de couleurs, c’était hors de question pour d’autres. Et puis on s’est lancés. Sans savoir ce que donnerait la résultat final.
Accepter les choix des autres. Je n’aurais pas mis du jaune là, mais du bleu. Maintenant c’est fait, c’est comme ça. Je ne peux pas revenir en arrière.
Il n’y a pas de pinceau de libre pour l’instant. J’attends mon tour.
Et quand j’aurai un pinceau, je peindrai cette surface là en rouge. Mais non ! Voilà que la personne qui a le pinceau rouge le trempe dans le beau pour faire du violet.
Et l’autre qui recouvre « ma » surface avec du vert!
Telle est la réalité.
Il me faut accepter les choix des autres, quand bien même ils me sont contraires. Et même si ce que j’avais prévu aurait été tellement mieux. Accepter. Renoncer.
Et même un pas plus loin, se l’approprier.
Aucun des participants n’aurait réalisé ces toiles, telles qu’elles sont. Et elles auraient été différentes si une seule des personnes présentes n’avait pas été là. Ou si une personne supplémentaire avait fait partie du groupe.
Une communauté est plus que la somme de ses parties. L’apôtre Paul utilisait l’image du corps humain pour le dire. Chaque membre est indispensable pour former non pas un amas de parties, mais un corps. Lieu de la révélation du Christ.
Prendre du recul, observer et dire : voilà c’est bon!
Puis quelqu’un dit non. Il transgresse et se saisit d’une raclette, la fait glisser sur la toile et étale la peinture et l’encre. A-t-il gâché ? Ou a-t-il justement mis la touche finale qui manquait ? A-t-il désobéi ou a-t-il sublimé ?
L’éternelle dialectique entre Loi et Évangile.
Et encore tant d’autres choses…
Il y aurait encore certainement beaucoup à dire et à partager autour de ces toiles et de ces textes.
Création – Révélation
Lumière – obscurité
Communauté
Voici les 3 réflexions que je partage avec vous.
Personne n’a jamais vu Dieu mais son fils nous l’a fait connaître.
Ce qui a été fait avait la vie en lui.
Cette vie était la lumière des hommes.
Amen
Bravo Diane, pour cette belle prédication artistico-théologique! Et c’est génial de pouvoir relire tes prédications sur ton site. Merci!