Prédication du culte patriotique au Château d’Auvernier, dimanche 7 août 2022.
Lectures bibliques : Exode 17,1-7 et Jean 4,13-14
On a soif!
« Maman, j’ai soif ! »
En voilà une phrase qu’on a dû entendre souvent cet été sur la route des vacances. Même si les bouchons dans les voitures climatisées ne sont plus aussi terribles qu’autrefois.
J’ai soif.
Un constat. Un état de fait. Une situation à laquelle il faut remédier car elle ne pourra disparaître autrement qu’en l’étanchant. La soif est une alerte. Une sonnette d’alarme que tire le corps avant que l’état de déshydratation générale ne devienne problématique. Remédier à la soif, ce n’est pas un caprice, c’est une nécessité.
On a soif !
Une rengaine qui monte aux oreilles de Moïse, lui le chef du peuple, lui qui essaie de conduire les siens au travers du désert.
On a soif. Donne-nous à boire.
Un appel, un grondement qui monte comme un cri. Les hommes, les femmes, les vieillards et les enfants sont tenus par cet irrépressible désir de boire.
Et ce besoin occupe toute la place. La soif les rend irritables. La soif les rend agressifs. La soif les rend aveugles. Le peuple se plaint. Le peuple râle. Le peuple murmure.
La soif les aveugle. Ils ne semblent même plus se souvenir de la rudesse de leur ancienne condition d’esclaves. La libération, oubliée. La mer qui s’ouvre, oubliée. La manne tombée du ciel, oubliée. De même que les cailles. Que Dieu les ait libérés, accompagnés, sauvés… plus rien de tout cela ne compte. Que Moïse les ait guidés, rassurés, protégés… tout cela n’existe plus. Tout ce qui compte, c’est cette sècheresse dans la bouche et cette angoisse de la laisser gagner.
La soif a un pouvoir immense. Sur les individus et sur le groupe. Et sur la nature toute entière.
La Terre a soif. La végétation qui nous entoure tire la langue, les oiseaux cherchent les moindres points d’eau, s’abreuver devient difficile. Les forêts asséchées deviennent des proies faciles pour les flammes ravageuses et la gestion de l’eau devient un défi permanent pour les particuliers, l’industrie et l’agriculture.
Le monde a soif.
Et quand le monde a soif, les tensions s’exacerbent. La soif rend irritable, anxieux et agressif. Paradoxalement, la Planète Bleue constituée d’eau sur 72 % de sa surface, est en manque de cette ressource indispensable. Et le fragile équilibre du monde en prend un coup.
La soif, c’est la vie
Mais la soif est aussi un sursaut de vie. Un besoin irrépressible de combler un manque. Un élan vers ce qui donne du sens, vers une force vivifiante. C’est beau d’avoir soif, d’avoir envie. De ressentir cet élan.
Nous vivons dans une civilisation d’abondance. Déshabitués que nous sommes à manquer de quelque chose, nous n’éprouvons pas souvent cet espace libre. Cette place pour quelque chose dont nous avons vraiment le désir, l’envie ou même le besoin.
J’ai soif !
Soif de vie. Soif de savoir. Soif de sens.
Lorsqu’on observe Alexy, on lit cette soif. Cette envie d’être là quand il se passe quelque chose, cette soif de s’intéresser à tout. Ce besoin de s’exprimer, de se faire comprendre. Ce désir irrépressible de développer de nouvelles capacités, de grandir, de s’épanouir. Cette soif est belle. Puisse-t-elle ne jamais le quitter, ne jamais se tarir !
Il est des soifs que l’on peut étancher. Il en est d’autres qui ne devraient jamais être assouvies.
Le récit de Jésus assoiffé au puits de Jacob qui demande à cette femme samaritaine de puiser de l’eau pour lui est bien connu. Il met en regard deux soifs. Il met face à face deux eaux. La soif physiologique. Celle pour laquelle un apport d’eau suffit à l’étancher, pour un temps au moins. Et la soif spirituelle qui a besoin de l’eau vive qu’offre le Christ. Une soif que lui-seul peut assouvir.
Ce récit est connu, mais ce que je n’avais jamais réalisé, c’est qu’il vient immédiatement à la suite d’un texte sur le baptême, le dialogue entre Jean Baptiste et ses disciples. Un lien évident est donc fait par l’évangéliste Jean entre l’eau vive et l’eau du baptême. Une eau qui n’a rien de magique, qui ne porte pas en elle-même des propriétés particulières mais qui est signe, symbole de vie éternelle.
Par l’eau du baptême, nous témoignons de la foi de l’Église que la vie est un don. Que nous plaçons nos existences sous le regard de Dieu. Et qu’il nous porte dans nos jours et nos nuits. Dans nos joies et dans nos déserts. Dans nos soifs et nos satiétés.
Par l’eau du baptême, nous recevons le don de la vie éternelle. On mécomprend souvent cette dimension d’éternité. L’éternité n’est pas une durée. On connaît la boutade : l’éternité c’est long, surtout vers la fin… Alors que l’éternité n’est pas une durée, c’est une qualité. La vie éternelle n’est pas une vie longue ou une vie sans fin qui nous serait promise après notre séjour sur la Planète Bleue. La vie éternelle, c’est une vie en plénitude. Une vie qui a du sens. Une vie qui se vit dans toutes ses dimensions. Une vie profonde et belle.
Une vie de relations, une vie d’amour, d’amitié. Une vie qui donne la force de traverser les difficultés, les épreuves, les déserts. Une vie qui fleurit après l’hiver. Une vie à laquelle Dieu donne toute saveur.
Puissions-nous avoir soif de cette vie-là. C’est là tout ce que je peux nous souhaiter.
Soif d’une vie avec Dieu.
Soif de la vie éternelle.
Amen