L’espérance fait sauter les verrous du désespoir

Prédication du dimanche de Pâques, 5 avril 2015
Texte biblique : Matthieu 27,62 à 28,20

 

Une joie difficile à vivre

Il y a des années où il est aisé de ressentir la joie de Pâques.
Se réjouir des couleurs, des senteurs du printemps. Et vivre profondément cette joie intense. Et il y a des fois où cela s’avère plus difficile.

En cette semaine sainte, nous avons été touchés par le deuil de deux familles de la paroisse. Et je ne crois pas exagéré de dire que nous sommes nombreux à en être affectés. La situation internationale aussi pèse sur le moral : les migrants qui meurent en Méditerranée, le massacre au Kenya, les chrétiens persécutés en Syrie, l’épidémie du virus Ebola dont on n’arrive pas à venir à bout. Et j’en passe… malheureusement.

Cette semaine encore, toute l’Europe a été ébranlée par le crash de l’avion de ligne de la Germanwings, épilogue dramatique de la détresse d’un homme que l’on n’a pas su voir, ou peut-être même pas voulu voir. Enfin, le printemps tarde à venir.
Je ne voudrais pas, chers amis, vous saper le moral. Vous vous dites peut-être: on est venus ce matin pour nous faire du bien et entendre un message d’espérance et au lieu de cela, la pasteure se morfond.

Pas du tout.
Pâques ne peut advenir qu’après Vendredi Saint. Si le Christ n’était pas mort, il n’aurait pu ressusciter. Et il n’est pas sain d’occulter le vendredi pour passer directement au dimanche. Tentation de la fausse consolation: mais non, ce n’est pas si grave…

Au contraire, prendre au sérieux les peines, les épreuves et les situations devant lesquelles nous nous sentons impuissants est la seule condition pour vivre véritablement la libération pascale.

Une action pour contrecarrer une cause

Les récits de Résurrection sont différents dans les 4 évangiles. Cette diversité exprime à elle seule qu’il s’agit d’un événement complexe, qui échappe à notre simple compréhension. Matthieu est le seul à raconter ces jours suivant la crucifixion de cette manière. Avec les gardes devant le tombeau et ce mensonge.
Cet empressement autour de la rumeur du vol du corps laisse penser que l’évangéliste répond ici plus à une préoccupation de l’époque où il écrit que de celle de Jésus. En effet, l’évangile de Matthieu est rédigé à la fin du premier siècle, alors que la petite communauté de chrétiens s’est clairement séparée du judaïsme. Leur proclamation de la Résurrection est dénigrée par les juifs de l’époque: si le tombeau était vide, c’est simplement parce que des disciples de ce Jésus ont volé son corps! Toutes ces croyances ne reposent sur rien. Le christianisme est une imposture!

Matthieu prend au sérieux cette attaque en développant l’épisode des gardes devant le tombeau. Il tend même un piège aux autorités juives en faisant des gardes les témoins des événements, sommés de garder le silence. Avec ces gardes, on cherche à contrecarrer une attaque potentielle ou avérée d’adversaires mal intentionnés. Action humaine des plus courantes. On craint quelque chose : on agit pour rendre ce quelque chose impossible. On craint que le tombeau soit vide. Pour qu’il soit vide, on ne voit qu’une possibilité: que les disciples volent le corps. Donc on ne fait pas que rouler la pierre, on la scelle. Puis on place encore des gardes.

En entendant cette semaine les informations sur l’enquête du crash, je n’ai pu m’empêcher de penser que les compagnies d’aviation civile avaient agi d’une manière similaire. Après le 11 septembre, on a craint des détournements d’avion. La menace venait alors des passagers dont un ou plusieurs étaient malintentionnés. Pour s’assurer que de tels détournements ne pourraient se reproduire, on a sécurisé les portes du cockpit, on les a scellées comme la pierre sur le tombeau. On n’a pas pensé alors que le danger pouvait venir d’ailleurs. Et que cette fermeture, conçue pour éviter des catastrophes, allait justement permettre cette issue funeste.

On cherche encore et toujours à s’assurer plus de sécurité. Au risque peut-être de perdre de vue la fragilité de l’existence. Ce jour-là, c’est la mort qui a réussi à s’immiscer entre les systèmes de sécurité. Le jour de Pâques, c’est la vie qui a réussi à déjouer tous les stratagèmes.

Le bouleversement pascal

Tremblement de terre, ange du Seigneur, pierre roulée dans un grand fracas. Matthieu sort ici tout l’arsenal apocalyptique. Un langage qui nous parle peut-être moins aujourd’hui. Une manière d’exprimer ce qui n’est pas si simple à dire. Vous remarquerez que Matthieu, et les autres évangélistes non plus, ne décrit jamais la Résurrection. Alors que bien des apocryphes s’en donnent à cœur joie. Il n’en dit rien. Ce qui est décrit, c’est toujours l’effet de la Résurrection sur les gens et sur le monde.

Un bouleversement.
Ce qui était acquis: la mort, c’est la mort et on ne s’en relève pas ; n’est plus vrai.
Après cela, les personnes, la réalité et le monde ne peuvent plus être pareils. Les règles selon lesquelles tout a fonctionné jusqu’à présent tombent et une nouvelle vérité se fait jour: la mort n’est plus la fin de tout. Le Christ l’a vaincue. Les gardes sont tétanisés. Comme morts dit le texte avec ironie. La mort n’est plus là où on la croyait circonscrite : à l’intérieur du tombeau. Elle paralyse ceux qui s’illusionnent sur leur capacité à la maîtriser. Les femmes se mettent en route et vont proclamer la bonne nouvelle. Les disciples, eux, sont envoyés en mission dans le monde. Ainsi se termine l’évangile de Matthieu.

green-plant-wood-4711 Ce n’est pas une fin triomphale et écrasante. La grande joie qui étreint les femmes et teintée de crainte. Et les disciples qui se prosternent éprouvent eux aussi des doutes. Ni la Résurrection, ni la foi ne blindent les croyants qui ne cessent d’éprouver aussi de la crainte et de douter. La Résurrection est vécue comme une promesse. Une force qui met en route, malgré les doutes et la fragilité. Une puissance qui porte et fait avancer. Une puissance qui tient celles et ceux qui acceptent de se laisser bouleverser par l’espérance que le Christ peut faire éclater tous les verrous.

Persévérons dans la foi que le changement est toujours possible. Que rien n’est à jamais définitivement verrouillé. L’accord historique qui a été signé cette semaine même à Lausanne entre les États-Unis et l’Iran est peut-être un signe de cette force de changement.

Laissons cette espérance nous transformer et mettons-nous à notre tour en route pour témoigner de ce rai de lumière qui parvient à percer le tombeau scellé.

Amen

2 réflexions au sujet de “L’espérance fait sauter les verrous du désespoir”

  1. Merci, Diane, pour ce beau message.

    Juste quelques idées qui me sont venues à la lecture de ta prédication. Il me semble que la joie de Pâques sera difficile à comuniquer dans la mesure où l’on voudrait en faire un truc à soi, comme quelque chose d’acquis pour soi. Inversement, dans la mesure où l’on développe aussi un « esprit de don », c’est-à-dire l’amour du prochain ou la compassion pour autrui, dont le monde a tant besoin, elle devient alors un « plus » à partager.

  2. Merci Norbert. J’aime beaucoup ce prolongement que tu proposes dans le développement de l’esprit du don.

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