Engagez-vous, qu’ils disaient!

Prédication lors du culte d’installation du Conseil paroissial de la paroisse de La BARC, dimanche 18 juin 2023 à Colombier.
Textes bibliques : Esaïe 43,10-12 et Romains 5,1-5

« Mes témoins, c’est vous »
C’est en ces termes que sont interpellés les membres du peuples d’Israël par le prophète Ésaïe qui se fait le porte-parole de Dieu. Mes témoins à moi, dit Dieu, c’est vous : mon peuple. Vous êtes mon serviteur, celui qui j’ai choisi.

S’engager pour une cause, dans une association, un comité, ou une paroisse ; bénévolement ou professionnellement ; régulièrement, pleinement ou ponctuellement, c’est toujours donner de soi. C’est faire des choix, oser donner priorité à cet engagement et accepter de renoncer à d’autres choses qui pourraient, elles aussi être belles, satisfaisantes ou pleines de sens. S’engager, c’est devenir témoin.

Nous devons toutes et tous opérer ces choix car les lieux d’engagements sont nombreux, les sollicitations sont foison et ce n’est pas parce qu’il nous faut parfois répondre non que l’engagement qui nous avait été proposé n’était pas quelque chose de qualité. Nos choix d’engagements ne tombent pas de nulle part. Avant de nous investir nous-mêmes, nous avons déjà dans un premier temps fait partie des bénéficiaires, expérimenté quelque chose de positif.
Qui aurait idée de devenir bénévole dans un festival sans jamais avoir jamais assisté à un concert ?
Qui tiendrait la buvette du tournoi de tennis de table sans avoir une seule fois tapé la balle ou accompagné son enfant à un tournoi ?
Qui proposerait sa candidature au conseil paroissial sans avoir une seule fois franchi le seuil d’une église ?

Avant de devenir lieux d’engagements, ce sont pour nous des lieux familiers dans lesquels nous avons vécu de beaux moments, dans lesquels nous nous sentons bien. Des lieux dans lesquels nous nous sentons bien mais pas seulement. Des lieux aussi où nous avons rencontré des personnes avec lesquelles nous avons quelque chose à partager. Des lieux parfois où sont nées des amitiés. L’engagement est souvent le résultat d’un appel, d’une vocation au sens premier. Viens, on a besoin de toi ! Viens, tu peux apporter quelque chose ! Viens, tes compétences nous seront précieuses ! Viens, ensemble on fera avancer notre cause !

Parce que le centre de ce qui se vit, les valeurs véhiculées et vécues sont primordiales pour que l’engagement ait du sens. S’engager, c’est s’être familiarisé avec un milieu, s’y sentir bien et en cohérence avec ses valeurs. C’est avoir été appelé à se mettre à son service, avec d’autres.

Vous êtes mes témoins, dit Dieu au peuple d’Israël. Ceux que j’ai choisis – appelés – pour vous mettre au service. Et en quoi consiste ce service ? Comment s’exerce-t-il concrètement ? Ésaïe n’en dit pas grand-chose, rien en fait. L’appel à être témoins s’exprime par trois verbes : savoir, croire, comprendre qui est Dieu.

Comment être témoins ? Il n’y a pas de recette, de modèle, de moule. Mais il y a ces balises : savoir, croire et comprendre qui est Dieu.
Savoir Nous ne serons pas témoins si nous ne nous basons pas sur la transmission, apprendre à connaître Dieu et le faire connaître.
Croire Nous ne serons pas témoins si nous n’exerçons pas nos convictions, si nous ne les mettons pas en discussion, si nous ne développons pas notre confiance en Dieu.
Comprendre Nous ne serons pas témoins si nous ne cherchons pas sans cesse qui est Dieu et comment il se manifeste dans nos vies.

Nous serons de faux témoins si nous prétendons imposer notre supposé savoir, si nous affirmons une foi sans la vivre, si nous disons je sais plutôt que je cherche.

Comment deviendrons-nous alors de véritables témoins ? Tout est possible. Si nous gardons ces balises comme garde-fou, c’est un champ immense qui s’ouvre devant nous, un espace qui ne demande qu’à être habité par nos idées, nos aspirations, notre créativité, nos envies. Au centre de ce champ de possibles est planté un écriteau avec le mot cohérence. Car la manière dont on se met au service témoigne du Dieu que l’on prétend servir.

Si nous prétendons servir un Dieu qui accueille, alors commençons par prendre véritablement soin d’accueillir.
Si nous prétendons servir un Dieu qui écoute, écoutons-nous vraiment.
Si nous prétendons servir un Dieu qui voit au-delà des apparences, donnons-nous les moyens d’être plus inclusifs.
Si nous prétendons servir un Dieu qui décentre, qui surprend, qui déplace, il nous est dès lors interdit de nous laisser engourdir par les habitudes.

La manière dont on se met au service témoigne du Dieu que l’on prétend servir.

Aujourd’hui, notre communauté accompagne et porte dans la prière 8 personnes qui, avec vos pasteures, s’engagent à diriger collectivement la paroisse de La BARC pendant les 4 ans à venir. Ces hommes et ces femmes formeront un conseil, un collège, une équipe. Ils et elles ont été appelés et ont répondu oui à cet appel. Ils et elles ont fait le choix de répondre oui et aussi de renoncer à d’autres engagements pour se mettre au service de la communauté, pour se mettre de cette manière au service de Dieu. Dans les 4 ans à venir, il y aura sans doute un certain nombre de défis à relever. Porter une paroisse n’est pas de tout repos et, on le sait, l’Église neuchâteloise traverse une période de réforme profonde. Elle doit ajuster ses structures pour pouvoir assurer demain sa mission. Les formes qui étaient adaptées il y a quelques années encore ne le seront plus à l’avenir. Notre Église est donc devant ce grand champ des possibles avec la question suivante : sous quelle forme sa mission de témoin pourra-t-elle s’exercer au mieux demain ? Des défis intéressants, passionnants même.

Dernièrement, lors d’une séance du Conseil paroissial, une conseillère a dit combien elle avait trouvé intéressant durant cette dernière législature de découvrir l’Église de l’intérieur. Lorsqu’on est paroissien, même si l’on fréquente régulièrement les cultes et les activités paroissiales, on n’a pas idée de tout ce qu’est l’Église neuchâteloise. La réalité de ses paroisses mais aussi de ses aumôneries, de ses liens avec la société civile ou de son fonctionnement démocratique par exemple. S’engager, c’est aussi oser venir voir de l’intérieur et participer, même un peu, à son évolution.

Depuis sa création, l’Église protestante est l’Église du peuple de Dieu. Elle a toujours eu à cœur, dans son fonctionnement même, de ne pas être dirigée par les ecclésiastiques – pasteurs ou diacres – mais par des laïcs. Ce sont les bénévoles qui font vivre l’Église. Dans tous les organes de l’EREN, les laïcs doivent être majoritaires : conseil paroissiaux, Synode et même Conseil synodal. Dans notre Église, c’est vous – le peuple de l’Église – qui avez le pouvoir. Vous avez appelé, choisi, élu celles et ceux qui vont assumer la responsabilité de l’exercer pour un temps.

Il y a des défis. Des difficultés et même ce que certains pourraient définir comme des souffrances. Des souffrances ? Si vous avez bien écouté le passage de l’épitre aux Romains que nous avons lu il y a quelques instants, ce mot aurait dû provoquer une réaction immédiate en vous. « Des souffrances ?!?… Voilà qui me remplit de joie ! » Eh oui, il est écrit : bien plus, nous nous réjouissons même dans nos souffrances…

Regardons d’un peu plus près ce passage de l’épître aux Romains. Paul écrit à la communauté chrétienne qui se construit à Rome. Il ne l’a pas encore visitée mais il sait que se constituer en communauté n’est pas chose simple et que les défis sont nombreux pour réussir à proclamer l’Évangile de Jésus-Christ dans une ville dont la plupart des habitants y sont hostiles ou indifférents. Il utilise alors une suite de terme assez précis que les différentes traductions de nos Bibles ne rendent pas toutes de la même manière, glissant d’un mot à l’autre presque comme dans un Marabout – Bout de ficelle – Selle de cheval..

Nous nous réjouissons dans les souffrances, écrit Paul. Il utilise là le mot thlypsis : les tribulations, des difficultés. Nous nous réjouissons donc dans les tribulations, car elles produisent la patience, l’endurance, la persévérance. Et que cette patience produit de la résistance à l’épreuve. Et que la résistance produit… de l’espérance. Si donc nous pouvons déjà vivre quelque chose de l’ordre de la joie lorsque nous sommes au cœur des tribulations, c’est parce que nous connaissons ce chemin. Que des tribulations, prises de tête, difficultés et même souffrances nous permettent de développer des qualités indispensables : la persévérance, l’endurance, la patience. Et que ces qualités éprouvent notre foi. Mais que celle-ci en ressort grandie et affermie. Et que cette foi plus grande nous permet d’espérer, de rêver et de nous engager pour l’avenir.

Voilà donc quelque chose du programme qui attend notre Conseil. Dans ce même mouvement, tous les membres de notre communauté sont appelés à soutenir et accompagner. Nous sommes témoins du Christ. Choisis pour le servir. Chacun.e à notre mesure.

Amen