Décrocher la Lune… 50 ans après

Message du culte patriotique du 4 août 2019 dans les jardins du Château d’Auvernier, avec baptême.

Tout petit face à la Lune

Vous n’avez pu manquer l’événement de ce mois de juillet. À moins peut-être d’être partis en vacances dans une autre galaxie. Le 21 juillet dernier, nous avons célébré le 50e anniversaire du jour où l’être humain a pour la première fois posé le pied sur la Lune.

Un demi-siècle plus tard, cela reste un exploit marquant. Et quand on y pense, il y a quelque chose d’incroyable à l’idée qu’on ait pu poser un engin sur la lune et que des hommes en soient descendus pour fouler le sol lunaire.
Incroyable ! Fascinant. On en a rêvé avec Tintin, ils l’ont fait.
Incroyable. Fascinant. A tel point que depuis lors, certains esprits chagrins mettent en doute la réalité de l’événement.

La Lune. Magnifique et énigmatique. Elle fait l’objet d’observations et nourrit l’imagination des hommes et des femmes depuis la naissance de l’humanité. Ponctuant le jour et la nuit, rythmant les saisons, influençant les marrées et parfois notre sommeil.

La Lune… la nuit.
La nuit, tout est différent. Tout ce qui fait partie de notre réalité le jour disparaît dans l’obscurité. Le noir submerge tout ce qui est proche. Et alors se révèle à nos yeux l’infinie grandeur des cieux. Le firmament si lointain devient soudain ce sur quoi nos yeux se posent. Et l’on prend conscience de cette immensité qui nous entoure.

En contemplant ce firmament, dans l’obscurité de la nuit de Jérusalem, un homme, peut-être le roi David lui-même, poétise.
La Bible conserve ce poème. Il s’agit du Psaume numéro 8

Ô Seigneur, notre Maître,
que ta renommée est grande sur toute la terre !
Ta majesté surpasse la majesté du ciel.
Mais c’est la voix des petits enfants, des tout petits enfants,
que tu opposes à tes adversaires.
Elle est comme un rempart que tu dresses
pour réduire au silence tes ennemis les plus acharnés. Quand je vois le ciel, ton ouvrage, la lune et les étoiles, que tu y as placées, je me demande :
L’homme a-t-il tant d’importance pour que tu penses à lui ?
Un être humain mérite-t-il vraiment que tu t’occupes de lui ? Or tu l’as fait presque l’égal des anges,
tu le couronnes de gloire et d’honneur. Tu le fais régner sur tout ce que tu as créé : tu as tout mis à ses pieds, moutons, chèvres et bœufs, et même les bêtes sauvages, les oiseaux, les poissons, et tout ce qui suit les pistes des mers. Ô Seigneur, notre Maître, que ta renommée est grande sur toute la terre !

Nous ne connaissons plus aujourd’hui la noirceur de la nuit d’alors. Nous en avons perdu l’intensité. Les amateurs d’astronomie regrettent l’éclairage généralisé de nos villes qui rend l’observation du ciel difficile. Du temps de David, la nuit, Jérusalem est plongée dans une obscurité profonde. Rendant l’homme plus vulnérable. Sujet à l’attaque possible d’un adversaire dissimulé dans le noir ou d’un animal sauvage. La nuit, l’homme est plus fragile.

La nuit, tout est différent. Et même la conscience de nous-mêmes. Alors que le jour on s’active, on fait, on produit, on agit, on domine notre emploi du temps et le monde. La nuit nous domine. Le temps n’est plus le même. Les minutes s’égrainent avec lenteur. La nuit nous invite à la méditation et à la contemplation. En contemplant le ciel étoilé, la louange monte aux lèvres de David.
Seigneur, que ton nom est magnifique ! Les cieux et la terre chantent ta splendeur !

De cet émerveillement naît une question: et moi là au milieu ?!?
Qu’est-ce que l’être humain dans cette immensité ? Une question générale qui se décline au particulier : qu’est-ce que ma petite personne a d’assez important pour que Dieu s’en préoccupe ? L’immensité des cieux révèle en contraste notre infinie petitesse.
Au cœur de cette création, nous ne sommes qu’un grain de sable insignifiant.
Et pourtant…

Et pourtant l’homme domine le monde. Son pouvoir est immense.
L’homme a domestiqué les espèces animales et les espèces demeurées sauvages, il les garde en captivité.
L’homme comprend le fonctionnement du corps humain et parvient même à maîtriser la procréation.
L’homme repousse les limites de la maladie et parfois même de la mort.
L’homme domine l’agriculture, le transport sur terre, sur l’eau et même dans les cieux.
Il est même parti à la conquête de l’espace.

Soudain, ce pouvoir, cette grandeur, nous donne le vertige. Alors qu’il y a quelques instants encore nous nous sentions si minuscules, voilà que tout à coup, nous prenons conscience de notre immense pouvoir.

C’est bien dans ce perpétuel mouvement du petit au grand et du grand au petit que se situe notre place.
Dans cette dialectique de l’insignifiant et du puissant. A la fois infime et infini. A la fois perdu dans l’immensité de ce qu’il y aurait à faire et habité par les forces extraordinaires que Dieu nous donne. Modeste face à l’infini et convaincu que l’on peut décrocher la Lune.

C’est au cœur de ce mouvement que nous bénissons Dieu pour les touts-petits. Et que nous affirmons l’amour infini qu’il leur porte.
Un amour signifié dans l’eau du baptême.

Fasciné par ce qui brille

La conquête spatiale est née, on le sait, dans le contexte de la guerre froide. Sans cette compétition entre deux parties du monde concurrentes, sans ces défis lancés les uns aux autres, sans l’orgueil de vouloir écraser l’autre, aurions-nous marché sur la Lune ? Rien n’est moins sûr.

Dans son célèbre discours de 1962, où John Fitzgerald Kennedy annoncent que les États-Unis d’Amérique se lancent dans la course à la Lune, il souligne bien que l’humanité ne progresse que lorsqu’elle se lance se défis. Ses paroles sont devenues célèbres : nous choisissons l’aller sur la Lune. Non pas parce que cela est facile, mais parce que cela est difficile.

Un défi lancé, des fonds investis et un enthousiasme collectif mobilisé autour d’un projet grandiose et un peu fou. Même si la recherche spatiale est toujours de près ou de loin liée au secteur de l’armée et de la défense, on peut se réjouir qu’américains et soviétiques aient visé la Lune. Car en regardant au ciel, ils ont cherché à anéantir symboliquement plutôt que physiquement leur adversaire.

Écoutons ces quelques versets du livre de Job (31,24-28), qui méditait en regardant le ciel.

Est-ce que j’ai placé ma confiance dans l’or ?
Ou lui ai-je dit : « Tu es ma sécurité » ? Je n’ai pas mis ma joie dans ma grande fortune, dans les nombreux objets que j’ai pu acquérir. Quand j’ai vu le soleil dans toute sa splendeur
et la lune avancer majestueusement, mon cœur a-t-il été secrètement séduit, les ai-je pris pour dieux et les ai-je adorés ? En agissant ainsi, j’aurais mérité d’être puni par mon juge,
car j’aurais été traître envers le Dieu d’en haut.

Où placer sa confiance ? Dans l’or ? Mettre sa sécurité dans la fortune ? Dans les assurances de ce monde ? Ou placer sa confiance en Dieu ?

Observer la grandeur du ciel. Sans se laisser happer par la fascination de ce qui brille. Sans perdre toute mesure et tomber dans l’idolâtrie ?
On a souvent cherché à séparer le monde de Dieu. À opposer science et foi. À croire qu’il fallait rester dans l’obscurantisme pour rester fidèle au Seigneur. Comme si la foi ne pouvait être que crédulité. Job met en garde contre les faux dieux. Contre ces intérêts qui peuvent diriger nos vies si nous ne restons vigilants : le profit immédiat, le pouvoir, la possession.
Tout le monde se laisse séduire par l’or et le bling-bling. On a vite fait d’en faire des dieux, et de nous laisser posséder par ce que l’on a. La liberté tombe dès lors qu’on laisse à d’autres la puissance de dicter nos vie.

Le Dieu de Job, le Dieu de Jésus-Christ, notre Dieu, n’est pas celui de l’idolâtrie. Il ne cherche pas à être adoré, adulé, comme certains anciens pouvaient se prosterner devant les astres. C’est un Dieu qui souhaite notre liberté. Une liberté véritable.
Face aux contraintes du monde, aux séductions de l’immédiat, à la haine et au désir d’écraser l’adversaire, Dieu place la Vie.
La vie véritable, possible et épanouie, où l’être humain que nous sommes peut admirer le ciel, sa grandeur, et se laisser conduire par la confiance.

Amen