Prédication du culte du 14 février 2021 au temple de Colombier.
Lectures bibliques: Cantique des cantiques 4,1-7 et 1 Jean 4,7-11
Mes bien-aimés…
Quelle belle manière pour Jean de s’adresser aux destinataires de sa lettre. Ses frères et sœurs croyants. Mes bien-aimés!
Par ce seul mot, il désigne son affection pour eux. Mais aussi sa proximité puisqu’il les désigne comme les bien-aimés de Dieu, au même titre que lui-même. Oh vous mes amis! Vous qui, comme moi, êtes infiniment aimés de notre Seigneur. Cette adresse est une béatitude. L’exprimer c’est déjà la rendre vraie. Jean annonce ainsi ce qu’il va développer dans les versets suivants : vous êtes aimés de Dieu, et cet amour reçu vous rend libres d’aimer à votre tour.
Ne pourrait-il y avoir plus belle nouvelle, mes bien-aimés, en ce jour de la saint-Valentin?
En général, les jours qui précèdent le 14 février, on voit les magasins regorger de gadgets en forme de cœur, les restaurant annoncer leurs menus pour 2, les fleuristes mettre en vitrine les roses rouge et on tombe sur des pubs de parfum en feuilletant n’importe quel journal. Alors on dénonce une fête commerciale.
Une année morose
Cette année, c’est le calme plat. On aurait même envie particulièrement cette année d’aller manger au restaurant et de soutenir les commerçants! Mais la saint-Valentin, toute fête des amoureux qu’elle soit, ne semble pas avoir réussi à gagner sur la morosité. C’est le vide.
Tout.e chrétien.ne devrait toujours se laisser interpeller par le vide. Comme le jour de samedi saint, le rien résonne dans l’espace créé par le vide. Un espace indispensable pour laisser la place à autre chose, pour laisser résonner les manques.
Qu’est-ce qui manque cette année pour la saint-Valentin? Ce qui manque ce ne sont pas les coussins rouges en forme de cœur brodés à la va-vite dans une usine chinoise. Ce qui manque, c’est…
… la passion. Et la passion appelle les sens. La pandémie qui sévit prive des sens de l’odorat et du goût. Et même quand nous n’en sommes pas atteints, nous masquons nos nez et nos bouches. Notre rapport au monde, notre rapport aux autres est aseptisé. L’odeur que nous connaissons maintenant le mieux est celle du désinfectant.
Réveiller la passion
Relisez le Cantique des cantiques! La passion de ces deux êtres met en éveil tous leurs sens. Leurs dialogues nous entraînent dans les senteurs et les couleurs de l’Orient. Il nous faut remettre nos sens en éveil si nous voulons redécouvrir en nous l’enthousiasme et la passion. Si nous ne voulons pas laisser la morosité gagner!
Ce qui manque cette année, c’est aussi…
… l’amour. Aimer est difficile. Aimer dans la durée.
Une personne me partageait l’autre jour son inquiétude de voir aucun de ses enfants se destiner au mariage, et même parvenir à entretenir une relation sur le long terme. Est-ce l’incertitude de l’avenir? La peur de renoncer à une certaine forme de liberté? Ou est-ce une forme d’incapacité à s’engager? Il est vrai que le mariage a quelque chose d’impressionnant. Maintenant que l’espérance de vie en Suisse dépasse les 85 ans chez les femmes et approche les 82 ans chez les hommes. Se marier à 25 ans, c’est potentiellement partager 60 années de sa vie avec son conjoint. On peut comprendre que des jeunes qui sortent à peine d’une adolescence prolongée en aient un peu le vertige.
Et pourtant… pourtant n’est-ce pas beau d’aimer et d’être aimé?
« Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres car l’amour vient de Dieu. »
L’amour contre les élans spirituels désincarnés
Lorsqu’il écrit cela, Jean n’est pas pris d’un soudain élan de romantisme. Il écrit ces mots dans un contexte bien particulier et difficile. Il s’adresse à une communauté chrétienne qui doit tenir bon face à deux courants de pensée religieux qui l’influencent et la détournent de la véritable foi en Jésus-Christ.
Le premier est un courant spiritualiste qui considère que par la mort et la Résurrection du Christ tout est accompli. Les croyants ne sont donc plus soumis aux règles du monde, ils vivent déjà dans le Royaume de Dieu.
Le second courant considère que le monde est foncièrement mauvais et qu’il est dès lors inconcevable que le Christ, le Fils de Dieu, soit devenu vraiment humain dans ce monde. Jamais Dieu ne se serait abaissé à cela. Ce courant sépare donc clairement le Jésus terrestre du Christ céleste et seule la connaissance de ce dernier permettrait au croyant d’accéder au salut.
Ces deux courants sont différents mais leurs conséquences sont proches: celles pour le croyants de chercher à s’extraire du monde et de considérer la foi en Jésus-Christ comme quelque chose d’uniquement spirituel.
Mais Jean insiste: la fidélité au Christ s’exprime par une manière d’être au monde. On ne peut pas aimer Dieu sans aimer son prochain.
L’amour vient de Dieu
Mes bien-aimés!
L’amour vient de Dieu.
La capacité humaine que nous avons et que nous sommes appelés à développer, cette capacité humaine à faire de la place à l’autre. Cette disposition à faire de l’épanouissement de l’autre une priorité dans notre propre chemin de vie. Cette attention portée. Cet intérêt porté sans arrière pensée. Tout cela, ce sont des dons reçus de Dieu.
Dieu nous rend capables d’aimer. Voici ce que Jean appelle: être né de Dieu.
Et il n’y a qu’en faisait cette expérience que nous pouvons connaître Dieu. C’est-à-dire expérimenter quelque chose de sa grandeur. Les relations humaines nous donnent de toucher du doigt, de prendre conscience, de l’amour que Dieu nous porte.
« Qui n’aime pas n’a pas découvert Dieu, car Dieu est amour. »
Dieu est amour. Même quelqu’un qui n’a jamais ouvert une Bible sait que ces trois mots y sont inscrits. On cite moins souvent le début de la phrase. Pourtant d’une force incroyable. Qui n’aime pas n’a pas découvert Dieu.
Au fond nous avons toutes et tous conscience de la force de cette expérience. Dans une relation de couple, avec nos enfants ou nos parents, par une amitié très forte… Que nous ayons la chance de vivre actuellement dans cette relation ou que ce soit dans le souvenir d’une personne aimée.
Si nous savons ce que c’est que d’aimer et d’être aimé pour aucune autre raison que celle que nous sommes qui nous sommes et l’autre est qui il est alors, nous avons découvert quelque chose de Dieu.
Aimer dans la fidélité au Christ
En 17 versets, Jean utilise 34 fois le mot amour et le verbe aimer. Et il n’est pas particulièrement question de relation de couple. Ce qui est au centre de son message, c’est la capacité (ou l’incapacité) de la communauté et des individus à vivre cette dimension en fidélité au Christ.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Pour manifester son amour, Dieu a fait don d’une partie de lui-même. Il a offert son Fils unique au monde. Dieu a renoncé à une part de sa divinité par amour pour toi. Il a sacrifié un partie de lui-même par amour pour moi. Il a donné son Fils pour nous.
« Dieu n’a pas aimé le monde parce que le monde est aimable mais parce que Dieu est amour. »
Antoine Nouis
commentaire du Nouveau Testament verset par verset
Dieu n’a pas aimé le monde parce que le monde est aimable, mais parce qu’il en a décidé ainsi. Pour que nous puissions vivre par lui.
Pour que nos vies puissent prendre une autre dimension. S’épanouissent dans cet espace offert sans jugement. Et qu’à notre tour nous puissions l’offrir à d’autres.
Mes bien-aimés, voilà la Bonne Nouvelle !
Dieu t’aime.
Pour aucune autre raison que… il t’aime. Il en est de sa décision souveraine, divine. Tu ne peux rien y faire. Ni chercher à lui plaire pour qu’il t’aime plus encore. Il ne peut t’aimer plus. Ni tenter de ne plus te faire aimer, cela ne marche pas.
Si tu réponds à son amour en aimant à ton tour, il y aura de la joie dans le ciel. Si tu choisis de ne pas y répondre, il ne t’aimera pas moins. Mais il y aura moins de joie dans le ciel. Moins de joie sur la terre aussi. Et certainement moins de joie dans ta vie.
Voilà, mes bien-aimés, la Bonne nouvelle de ce jour de saint-Valentin.
Que Dieu nous donne d’aimer encore !
Amen