Autour du berceau du petit Moïse

Brèves méditations autour du texte de la naissance de Moïse partagées à l’occasion d’un culte en plain air où ont été célébrés 4 baptêmes de jeunes enfants, dans le cadre magnifique mais un peu frisquet de la Grande Sagneule, le 2 septembre 2018.

Récit d’Exode 2,1-10

Un homme de la tribu de Lévi épousa une femme de la même tribu. La femme devint enceinte, puis mit au monde un garçon. Elle vit que l’enfant était beau et le cacha durant trois mois. Ensuite, ne pouvant plus le tenir caché, elle prit une corbeille en tiges de papyrus, la rendit étanche avec du bitume et de la poix, y déposa l’enfant et alla placer la corbeille parmi les roseaux au bord du Nil. La sœur de l’enfant se tint à quelque distance pour voir ce qui lui arriverait.

Un peu plus tard, la fille du Pharaon descendit au Nil pour s’y baigner, tandis que ses suivantes se promenaient le long du fleuve. Elle aperçut la corbeille au milieu des roseaux et envoya sa servante la prendre. Puis elle l’ouvrit et vit un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié et s’écria : «C’est un enfant des Hébreux!» La sœur de l’enfant demanda à la princesse: «Dois-je aller te chercher une nourrice chez les Hébreux pour qu’elle allaite l’enfant?» — «Oui», répondit-elle.

La fillette alla chercher la propre mère de l’enfant. La princesse dit à la femme: «Emmène cet enfant et allaite-le pour moi. Je te payerai pour cela.» La mère prit donc l’enfant et l’allaita.

Lorsque l’enfant fut assez grand, la mère l’amena à la princesse; celle-ci l’adopta et déclara: «Puisque je l’ai tiré de l’eau, je lui donne le nom de Moïse.»

Un enfant passé par l’eau

L’enfant Moïse a vu le jour dans un contexte hostile. Les Hébreux, installés en Égypte depuis son ancêtre Joseph ont prospéré dans ce pays qui les avait accueilli. Peut-être un peu trop au goût du Pharaon qui voit désormais dans ce peuple une menace pour son pouvoir. Les Égyptiens retirent alors leurs droits aux Hébreux et peu à peu en font leurs esclaves.
Pour éviter qu’ils ne deviennent trop nombreux et forts, une mesure atroce est décrétée: on tuera tous les nouveaux-nés garçons en les jetant au fleuve, on ne laissera vivantes que les petites filles.

La rudesse de ce monde nous choque, l’horreur d’une telle idée nous révolte.  Elle doit aujourd’hui encore nous alerter car, pas moins qu’hier, le désir de puissance parvient à faire disparaître toute humanité. Les Pharaons du XXIe siècle existent.

L’enfant Moïse, lui n’est pas jeté à l’eau, il y est déposé. Dans le monde biblique, la symbolique de l’eau est très forte: l’enfant est passé par l’eau.
L’eau est totalement indispensable à la vie, aux cultures, à l’épanouissement des êtres et de la nature. Mais on sait qu’elle est aussi capable de noyer. Sa force est aussi redoutée qu’elle est adorée.
Passer un enfant par l’eau, c’est à la fois l’immerger dans le miracle de la vie et reconnaître la fragilité de cet être.
Dans la tradition chrétienne, nous reprenons ces éléments dans le baptême. En utilisant l’eau comme signe visible de l’amour invisible de Dieu, nous manifestons sa force de vie et d’amour pour le baptisé. Nous signifions aussi que sont noyés tous les obstacles qui pourraient éloigner le baptisé de Dieu.

Baptême du premier enfant (…)

Un enfant confié à Dieu

Par amour pour son enfant, la mère de Moïse l’a caché, elle l’a protégé et nourri. Et voilà qu’est arrivé le jour où le protéger, ce n’était plus le garder, mais c’était le lâcher. Tenter autre chose, le remettre à son destin, le remettre à Dieu.
Comme parent, il n’est pas facile de laisser ses enfants grandir. Pas simple de les lâcher. Certains aimeraient qu’ils restent toujours des tous petits. Mais la vie avance et leurs besoins changent. Le rôle de parent change aussi.

Les textes bibliques sont souvent avares de descriptions. On passe très vite sur les choses concrètes. Pourtant c’est avec force de détails que sont décrits les gestes de cette mère. Cela dit l’importance de l’attention, de l’amour de cette femme.
La corbeille tressée en tiges de papyrus, enduite de bitume et de poix pour la rendre étanche. L’enfant y est déposé délicatement et la corbeille placée parmi les roseaux. C’est avec beaucoup de soin et d’amour que cette mère laisse partir son enfant. Qu’elle le livre au fleuve. Qu’elle l’accompagne pour le confier à la vie, à Dieu.
La grande sœur, à distance, regarde ce qu’il arrive. Elle le couve de son regard.
Voilà notre rôle, à nous les adultes. Les grands:
Porter, prendre soin, aimer, observer.
Lâcher et confier à Dieu.

Chant de l’assemblée (…)

L’émerveillement d’une naissance

« Elle vit que l’enfant était beau! »
Il y a dans toute naissance quelque chose du miracle. C’était vrai dans ces temps ancestraux de ces récits. Ça l’est aujourd’hui encore malgré nos connaissances médicales qui n’ont rien de commun avec celles d’autrefois.
L’émerveillement devant une naissance, la réalité d’une vie nouvelle, le poète Victor Hugo l’avait exprimée dans ce poème que la famille a choisi.

Enfant, vous êtes l’aube
et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs
embaume son haleine
Quand vous la respirez ;

Mon âme est la forêt
dont les sombres ramures
S’emplissent pour vous seul
de suaves murmures
Et de rayons doré !

Car vos beaux yeux
sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains,
joyeuses et bénies,
N’ont point mal fait encor ;

Jamais vos jeunes pas
n’ont touché notre fange,
Tête sacrée !
enfant aux cheveux blonds !
bel ange

À l’auréole d’or !
Vous êtes parmi nous
la colombe de l’arche.
Vos pieds tendres et purs
n’ont point l’âge où l’on marche.

Vos ailes sont d’azur.
Sans le comprendre encor
vous regardez le monde.
Double virginité !
corps où rien n’est immonde,
Âme où rien n’est impur !

Il est si beau, l’enfant,
avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi,
sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer
sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts
sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur !
préservez-moi,
préservez ceux que j’aime,
Frères, parents, amis,
et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur !
l’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux,
la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !

Victor Hugo, mai 1830

Baptême du deuxième enfant (…)

Le don du nom

« Puisque je l’ai tiré de l’eau, je lui donne le nom de Moïse. »
Dans le monde biblique, les circonstances sont souvent à l’origine du nom donné à un lieu ou à une personne.
On appelle Bethel (la maison de Dieu), la ville où Abraham a eu une vision.
Babel (la confusion) celle où Dieu a mélangé les langues.
Le nom donné est intimement lié à l’être. Et ceci est vrai pour un lieu aussi bien que pour une personne.
Le premier homme, Adam, porte le nom de la terre adama.
Eve, c’est la vivante.
Le nom exprime l’identité, et la détermine aussi. C’est pourquoi alors que Rachel mourant en couche appelle son enfant Ben-Oni (le fils du malheur), son père Jacob change immédiatement le prénom pour Ben-Jamin – Benjamin – le fils de la main droite (du bon côté).
Moïse est l’enfant qui est passé par l’eau et qui a été sauvé des eaux. L’enfant pour lequel la vie a été la plus forte. En effet, non seulement cet enfant à réchappé aux délires sanguinaires du pharaon, mais il a retrouvé les bras de sa mère qui lui a servi de nourrice. Et l’on sait le destin exceptionnel qui a été le sien une fois devenu grand. C’est par lui que Dieu libérera son peuple. Les Hébreux qui eux aussi passeront par l’eau, mer ouverte devant eux pour leur ménager un chemin vers la liberté.
C’est dans cet élan de vie et de liberté que nous baptisons aujourd’hui.

Baptême du troisième enfant (…)

L’amour au tripes

On ne sait rien de cette fille du Pharaon. Quel âge a-t-elle? Est-elle mariée? Est-elle déjà mère? L’histoire ne le dit pas.
On sait seulement qu’en apercevant cette corbeille dans les roseaux elle est intriguée et envoie sa servante pour la chercher. En l’ouvrant, elle se retrouve face à face avec cet enfant. Comme si elle déballait un cadeau.
Le texte ne laisse pas de doute: elle sait parfaitement qu’il s’agit d’un petit garçon qui aurait dû être éliminé. Elle en eut pitié, dit le texte.
Le mot pitié en hébreu est un mot de la même racine que les entrailles. C’est une réaction viscérale d’une femme devant un petit enfant. Quelque chose de plus fort, immensément plus humain que toute politique de réglementation des naissances. L’amour viscéral d’un parent pour un enfant.
En appelant Dieu notre Père, nous exprimons que nous sommes toutes et tous aimés de cette manière. L’attachement de Dieu pour nous dépasse les raisonnements et les considérations humaines.
Et si nous aimons Dieu, c’est parce qu’Il nous a aimés le premier.

Baptême du quatrième enfant (…)